Une annonce statistique aux répercussions symboliques
La publication annuelle du classement des économies mondiales par la Banque mondiale a réservé cette année un cas singulier : la Namibie est devenue la seule nation à être rétrogradée du segment des pays à revenu intermédiaire supérieur vers celui des revenus intermédiaires inférieurs. Au-delà de la dimension technique de l’indicateur – un revenu national brut par habitant ramené sous le seuil de 4 466 dollars – la nouvelle agit comme un révélateur des vulnérabilités structurelles auxquelles sont confrontées nombre d’économies d’Afrique australe.
La chute du RNB : conjonction de chocs internes et externes
Les services de la Banque mondiale attribuent le recul du revenu national brut namibien aux conséquences persistantes de la pandémie, à la contraction prolongée de la demande mondiale en ressources extractives et à une sécheresse sévère qui a réduit tant la production agricole que l’hydro-électricité (Banque mondiale). L’économie namibienne, traditionnellement adossée à l’uranium, aux diamants et aux exportations de bétail, a ainsi vu ses recettes d’exportation s’affaisser de près de 8 % en valeur sur l’exercice 2023. La révision à la baisse du produit intérieur brut nominal, combinée à une légère croissance démographique, a mécaniquement détérioré le ratio de revenu par tête.
Des fondamentaux encore solides, selon Windhoek
Le gouvernement namibien s’est employé à relativiser la portée de la rétrogradation. Dans une déclaration officielle, la ministre des Finances Iipumbu Shiimi a souligné que « le classement statistique ne remet pas en question la solvabilité du pays ni la trajectoire des réformes engagées ». Les autorités rappellent que la dette publique demeure inférieure à 70 % du PIB, que les réserves de change couvrent plus de quatre mois d’importations et que d’importantes découvertes de gisements pétroliers offshore devraient soutenir les finances publiques d’ici à 2027.
Lectures régionales : le miroir d’un environnement volatil
Au-delà du cas namibien, plusieurs chancelleries africaines soulignent que la remontée des taux directeurs dans le monde développé, l’irrégularité des pluies et les tensions géopolitiques sur les chaînes logistiques fragilisent l’ensemble de la Communauté de développement d’Afrique australe. L’Afrique du Sud – principal partenaire commercial de la Namibie – traverse elle-même des défis énergétiques et logistiques majeurs qui ont rejailli sur les exportations namibiennes via le corridor de Walvis Bay.
La gestion prudente de la dette, facteur de résilience
Les observateurs notent cependant que la Namibie a maintenu, à la différence de plusieurs pairs, une discipline budgétaire appréciée par les bailleurs. Le Fonds monétaire international rappelle que le déficit est passé de 8 % du PIB en 2020 à moins de 5 % en 2023, grâce à l’amélioration de la collecte fiscale et à la maîtrise des dépenses courantes. Cette rigueur limite les risques de refinancement, un élément salué par les agences de notation qui ont conservé la perspective stable sur la dette souveraine.
Implications diplomatiques : un signal plutôt qu’un stigmate
Sur la scène internationale, la rétrogradation n’altère en rien la participation de Windhoek aux grandes enceintes multilatérales, mais elle pourrait influer sur certaines facilités concessionnelles. Des programmes comme ceux de l’Association internationale de développement réservent en principe leurs conditions les plus avantageuses aux pays à faible revenu, tandis que les mécanismes intermédiaires inférieurs offrent déjà des marges de manœuvre plus restreintes. Pour autant, des partenaires bilatéraux, notamment au sein de l’Union européenne, considèrent souvent le critère du revenu par habitant comme un indicateur parmi d’autres, préférant évaluer des indicateurs de vulnérabilité plus fins tels que la concentration des exportations ou l’exposition au risque climatique.
Enjeux futurs : diversification et climat des affaires
La trajectoire budgétaire à moyen terme de la Namibie mise sur la montée en régime des énergies renouvelables, en particulier l’hydrogène vert, et sur la transformation locale des minerais critiques. Les investisseurs se disent attentifs à l’évolution du cadre réglementaire, à la stabilité de la gouvernance et à la capacité de Windhoek à stimuler un tissu de PME exportatrices. Ces orientations s’inscrivent dans la feuille de route régionale visant à renforcer l’intégration productive, un objectif partagé par de nombreux États d’Afrique centrale et australe qui recherchent une croissance plus inclusive et moins vulnérable aux chocs exogènes.
Un rappel à la prudence pour l’ensemble des économies émergentes
La rétrogradation de la Namibie illustre, en creux, la tension permanente entre l’optimisme des projections et la volatilité des réalités économiques pour les pays en transition. Elle invite les décideurs africains à conforter la résilience macroéconomique par la diversification, à renforcer les amortisseurs sociaux et à accentuer la coopération régionale. Si elle peut être perçue comme une alerte plutôt que comme une condamnation, cette évolution statistique rappelle que l’ascension vers le statut de pays à revenu élevé demeure un parcours ponctué d’écueils que seule une gouvernance rigoureuse permet de surmonter durablement.