La liturgie ludique comme vecteur d’engagement civique
Sur l’esplanade sablonneuse de la paroisse de Moukondo, la musique d’orgue a cédé la place aux rythmes saccadés des roues et des chandelles exécutées par des enfants en aube blanche. Loin d’une simple démonstration esthétique, cette chorégraphie gymnique structure la retraite spirituelle tenue du 4 au 6 juillet et marque la clôture officielle de l’année catéchétique. Pour l’Église évangélique du Congo, il ne s’agit pas d’un divertissement mais d’un langage accessible qui fait résonner la théologie du corps à l’oreille d’une génération hyperconnectée, souvent peu réceptive aux homélies classiques.
Le choix d’un dispositif scénique interactif répond à une préoccupation qui dépasse la sphère paroissiale. Dans un contexte continental où l’oisiveté juvénile alimente parfois les phénomènes de migration ou de radicalisation, la paroisse propose un contre-modèle : inculquer discipline, maîtrise de soi et solidarité au moyen d’exercices physiques ritualisés. Le pasteur responsable, André Loussouké, résume la démarche en ces termes : « La grâce ne se conçoit pas sans effort. Nous apprenons aux enfants que le salut inaugure un devoir de lucidité sur la cité ». Ainsi, la liturgie devient un sas de préparation au civisme.
Un ancrage pédagogique inspiré de la figure biblique de Joseph
Le fil rouge de l’édition 2024, « Vivre à l’image de Joseph », renvoie à une symbolique de résilience et de loyauté chère au magistère protestant congolais. Les récitals présentés par les pré-adolescents ont revisité l’obéissance du patriarche égyptien, son rapport éthique à l’argent et son sens du pardon. Chaque tableau illustre un enjeu contemporain : lutte contre la corruption, promotion de l’entrepreneuriat responsable ou médiation pacifique des conflits. En plaçant la gestion des ressources au cœur de la catéchèse, l’Écodi s’aligne sur les ambitions nationales de diversification économique inscrites dans le Plan national de développement 2022-2026.
Le directeur de l’école, Yena Koumba Leonel, précise la visée stratégique de ce choix biblique : « Joseph incarne la gouvernance intègre que le pays attend de sa jeunesse. C’est un archétype que nous traduisons en compétences, du respect de la parole donnée à la sobriété budgétaire ». L’attention portée aux réalités socio-économiques confère à l’initiative un relief diplomatique : elle valorise des soft skills compatibles avec les attentes des partenaires internationaux en matière de bonne gouvernance.
Dialogue intergénérationnel et cohésion communautaire
Autour des agrès disposés dans la nef, parents, moniteurs et anciens catéchumènes forment un cercle où les témoignages se répondent. Les aînés relatent leur trajectoire professionnelle, les plus jeunes confessent leurs aspirations, créant un miroir générationnel inédit. Cette circulation de la parole, portée par des poèmes multilingues, contribue à réduire la fracture intergénérationnelle souvent observée dans les périphéries urbaines. En invitant les parents à confier à nouveau leurs enfants durant les congés pour des sessions complémentaires, la paroisse renforce une solidarité organique qui se substitue, le temps d’un été, aux modèles de consommation digitale.
Le rituel de consécration de quatre nouveaux moniteurs, sanctionné par une prière de bénédiction et un repas communautaire, illustre l’importance accordée à la transmission. Le sociologue urbain Félicien Ngampika, présent sur les lieux, y voit « une ingénierie sociale qui capitalise le capital religieux pour réparer le tissu familial ». Dans une capitale aux prises avec l’exode rural et ses corollaires, cette dynamique s’inscrit dans la feuille de route gouvernementale visant à revitaliser les quartiers à forte densité démographique.
Le « Canal Ecodi », laboratoire médiatique des valeurs citoyennes
Pièce maîtresse de la scénographie, la simulation d’un journal parlé baptisé « Canal Ecodi » a déployé un dispositif trilingue : lingala, français et anglais. Les jeunes reporters ont dressé un panorama des paroisses de Talangai, Mouyondzi, Pointe-Noire et Brazzaville, donnant chair à l’idée d’une nation polyphonique. La rubrique phare, consacrée à la notion d’honnêteté, a confronté les spectateurs à de micro-scènes de corruption quotidienne, invitant chacun à mesurer sa part de responsabilité.
L’exercice anticipait les aptitudes médiatiques requises dans un marché de la communication en plein essor. En initiant des adolescents à la rigueur journalistique, l’Écodi participe, indirectement, à la stratégie gouvernementale de professionnalisation des médias et de lutte contre les fausses nouvelles. L’ambassadeur d’un État partenaire, discret dans l’assistance, reconnaissait en aparté que « ce type de formation informelle prépare la jeunesse congolaise à devenir un acteur crédible sur la scène régionale ».
Perspectives nationales et régionales pour une jeunesse résiliente
Le prochain camp prévu à Kinkala, dans le département du Pool, prolongera l’expérience dans un environnement rural marqué par un souvenir encore palpable des troubles passés. Déplacer les enfants de la capitale vers cette zone offre une occasion pédagogique de réconciliation avec le territoire et d’appropriation des programmes gouvernementaux de reconstruction. Le ministère de la Jeunesse, qui suit l’initiative avec intérêt, y voit une contribution concrète à la prévention de la délinquance et à la promotion du tourisme interne.
Au-delà de la dimension spirituelle, l’Écodi de Moukondo se profile comme un micro-laboratoire de politiques publiques inclusives, où le culte, le sport et l’éducation convergent pour forger une citoyenneté active. En ancrant la morale dans le mouvement du corps, la paroisse propose une méthode douce, conforme aux orientations nationales, pour transformer le potentiel démographique en levier de stabilité et de prospérité régionales.