Brazzaville resserre la vis autour des taxis-motos
Brazzaville se réveille avec un message clair adressé aux conducteurs de taxis-motos : l’heure de la tolérance est passée. La Direction générale de la sécurité présidentielle, appuyée par le secrétariat chargé du transport public à deux et trois roues, leur donne trois jours pour rentrer dans les clous.
Le communiqué signé par Gille Ondélé Kanga le 7 octobre précise que le délai court jusqu’au jeudi 9 octobre à minuit. Au-delà, tout contrevenant s’expose à des « sanctions rigoureuses ». L’annonce a été relayée dans les gares routières et sur les radios locales tout au long du week-end.
Cette mesure, qui rappelle les précédentes campagnes d’ordre public menées à Brazzaville en matière de transport, vise à renforcer la sécurité des passagers et à organiser un secteur en plein essor, mais encore très informel.
Immatriculation obligatoire et équipements normalisés
Premier point mis en avant : chaque engin devra être dûment immatriculé. Selon la DGSP, l’opération permettra de tracer les véhicules en cas d’infraction ou d’accident, et de connaître l’identité des propriétaires. Les plaques devront être visibles, lisibles et conformes aux normes nationales.
Les conducteurs ont également l’obligation de porter un casque homologué, tout comme leur passager. Les gilets fluorescents numérotés deviennent, eux aussi, indispensables. Ils serviront à identifier rapidement le chauffeur, notamment aux heures de pointe, où plusieurs centaines de motos se croisent simultanément.
Dans les quartiers périphériques, rares sont encore les pilotes équipés d’un casque neuf et certifié. Les associations de motocyclistes estiment le coût d’un équipement complet à environ 25 000 FCFA, une somme parfois supérieure au revenu hebdomadaire d’un conducteur débutant.
Limitation des passagers et fin de la position amazone
La DGSP interdit désormais de transporter plus d’une personne par moto. Les contrôles viseront surtout les tronçons reliant Talangaï, Makélékélé et les terminaux de bus, où il n’est pas rare de voir trois voire quatre personnes entassées sur une seule selle.
La position dite « amazone », très répandue chez les femmes portant pagne ou robe, est également prohibée pour des raisons de stabilité. « Nous voulons éviter des chutes souvent mortelles », explique un officier, préférant garder l’anonymat car non habilité à parler officiellement.
Les syndicats de chauffeurs reconnaissent le risque, mais plaident pour une campagne de sensibilisation plus longue. « Trois jours, c’est court pour changer des habitudes culturelles », souffle Serge Mavou, responsable d’une coopérative opérant entre la gare centrale et Poto-Poto.
Interdiction faite aux ressortissants étrangers
Autre mesure forte : seuls les nationaux pourront exercer l’activité de taxi-moto. La décision, justifiée par la DGSP au nom de la sécurité, touche surtout des ressortissants de pays voisins présents dans les grandes villes.
D’après les estimations d’une ONG spécialisée dans la mobilité urbaine, près d’un pilote sur cinq à Brazzaville serait de nationalité étrangère. Certains redoutent des tensions si les contrôles sont appliqués sans accompagnement social.
Du côté des autorités, on assure que la mesure s’inscrit dans une volonté de mieux encadrer l’arrivée de travailleurs étrangers et de préserver les emplois locaux, un objectif cohérent avec la feuille de route économique du gouvernement.
Sécurité routière : un enjeu collectif
Les urgences de l’hôpital de Talangaï reçoivent régulièrement des accidentés de moto-taxi. Un médecin de garde évoque « une moyenne quotidienne de quatre cas graves liés au non-port de casque ». Les autorités espèrent réduire ces chiffres grâce au nouveau dispositif.
Selon les statistiques de la Commission nationale de la sécurité routière, les deux-roues motorisés représentaient 38 % des accidents mortels l’an dernier, contre 24 % cinq ans plus tôt. L’explosion du parc de motos chinoises bon marché explique en partie cette évolution.
En renforçant l’encadrement, Brazzaville suit l’exemple de plusieurs capitales d’Afrique centrale, comme Libreville ou Yaoundé, qui ont récemment durci leurs règlements pour réduire la mortalité et fluidifier la circulation.
Marge de manœuvre pour les conducteurs
Face à l’ultimatum, de nombreux chauffeurs se sont rués vers les stands de gravure de plaques et les boutiques d’équipements. « Nous avons vendu cent casques en deux jours, un record », sourit Jeanne, commerçante au marché Total.
Les plus jeunes envisagent de se regrouper en coopératives afin de négocier des tarifs préférentiels. Le ministère des Transports, informé, étudie la possibilité d’un partenariat public-privé pour subventionner casques et gilets, une option saluée par les ONG de sécurité routière.
Pour l’heure, les équipes mixtes police-gendarmerie préparent des contrôles mobiles. La DGSP rappelle que les sanctionnés risqueront la saisie du véhicule et des amendes dissuasives. « Il ne s’agit pas de punir, mais de sauver des vies », insiste un responsable sécuritaire.
Ce qui pourrait changer demain
Si la campagne réussit, les experts anticipent une professionnalisation accrue du secteur. L’immatriculation facilitera l’accès au micro-crédit pour renouveler la flotte. Les assurances, aujourd’hui marginales, pourraient y voir une clientèle solvable et proposer des couvertures adaptées.
À moyen terme, le gouvernement mise sur un maillage de transport plus sûr, complémentaire aux bus et au futur train urbain. Les usagers, attachés à la moto pour éviter les embouteillages, espèrent simplement que la tarification restera abordable malgré les nouvelles obligations.