Un format élargi, des ambitions contrariées
L’élargissement à trente-deux équipes, tant vanté par la FIFA pour démocratiser l’accès à la Coupe du monde des clubs, a rapidement rappelé la dure loi de la compétition. En moins d’une semaine, l’Espérance de Tunis, Al Ahly et le Wydad Casablanca ont quitté la scène, laissant l’Afrique face à un bilan en trompe-l’œil. Le score sec infligé par Chelsea à l’Espérance (3-0) dans la fraîcheur de Philadelphie a symbolisé la marche à gravir : densité athlétique, profondeur de banc, maîtrise des temps faibles, tout a manqué aux Tunisiens privés de Youcef Belaïli, suspendu après un premier avertissement jugé sévère par leur encadrement technique.
Dans le même temps, l’improbable 4-4 entre Al Ahly et Porto, agrémenté d’un triplé de Wessam Abou Ali, a offert un spectacle euphorique mais aussi une scène de vulnérabilité tactique. Conduits au score à quatre reprises, les Dragons portugais ont toujours trouvé l’espace pour revenir. « La gestion émotionnelle reste notre talon d’Achille », reconnaissait à chaud l’entraîneur suisse du club cairote, Marcel Koller, conscient que deux points en trois rencontres ne suffisent pas pour s’installer à la table des grands.
Les géants africains face aux limites structurelles
Au-delà du tirage, particulièrement sévère pour le Wydad plongé dans un groupe composé de Manchester City et de la Juventus, la compétition a souligné l’écart de ressources. Les budgets cumulés de l’Espérance, d’Al Ahly et du Wydad avoisinent à peine la masse salariale annuelle d’un milieu de tableau de Premier League. Cette asymétrie se répercute sur la profondeur d’effectif : lorsque les titulaires faiblissent, la relève manque d’expérience du très haut niveau.
Les indicateurs de performance confirment la tendance. Selon les données GPS mises à disposition par la FIFA, les représentants africains ont couru en moyenne dix-huit kilomètres de moins que leurs adversaires européens sur l’ensemble des trois journées, signe d’une préparation physique encore perfectible. S’ajoute l’épineux dossier des droits télévisés, inégalement redistribués, qui prive les technostructures africaines de recettes essentielles à la formation.
Le cas Sundowns : l’exception confirme la règle
Dans ce panorama contrasté, les Mamelodi Sundowns portent l’ultime flamme africaine. Leur succès initial contre Ulsan Hyundai (1-0) puis la résistance héroïque face au Borussia Dortmund, finalement vainqueur 4-3, témoignent d’un modèle sud-africain singulier. Adossé à un actionnariat solide et à une politique de recrutement ciblée sur le continent, le club de Pretoria s’est donné les moyens logistiques d’un séjour prolongé aux États-Unis, multipliant les séances d’acclimatation à l’humidité de la côte Est.
Aujourd’hui, la donne est limpide : il leur faut vaincre Fluminense, leader du groupe F, pour atteindre les huitièmes. Un nul ne suffirait que si Dortmund s’inclinait contre Ulsan, déjà éliminé. Le coach Rhulani Mokwena l’a martelé : « Nous n’avons rien à perdre, mais beaucoup à prouver. » En creux, c’est tout un continent qui espère un sursaut psychologique capable de retarder l’heure du bilan.
Entre éclairs de talent et plafond de verre
Faut-il voir dans ces résultats un simple accident ou le symptôme d’une vulnérabilité plus profonde ? Les signaux convergent. Le football africain, capable de fulgurances — l’Espérance surprenant Los Angeles FC, le Wydad tenant tête à Manchester City pendant une mi-temps — bute sur la répétition des efforts. Les cycles de récupération plus courts, imposés par les calendriers internationaux, pénalisent des clubs dont la majorité des joueurs voyagent en classe économique, là où leurs homologues européens bénéficient de vols charter optimisés.
Ajoutons que les cadres techniques, fréquemment renouvelés, peinent à imprimer une méthodologie de travail cohérente sur plusieurs saisons. Résultat : l’instabilité tactique favorise l’improvisation, séduisante quand elle surprend, périlleuse lorsqu’elle se heurte à des blocs défensifs savamment rodés.
Quelle diplomatie sportive pour l’Afrique post-2025 ?
Ce Mondial grandeur nature agit comme un miroir sans fard. Pour espérer peser dans les éditions futures, les fédérations nationales devront densifier la chaîne de valeur, des académies au marketing, en passant par la gouvernance. La Confédération africaine de football, qui négocie actuellement une revalorisation de ses droits audiovisuels, voit dans cet échec partiel un levier pour plaider un rééquilibrage des dotations FIFA au prorata des besoins de développement (déclaration d’un responsable CAF, sous couvert d’anonymat).
En filigrane, la question de la diplomatie sportive se pose : réinvestir le champ des partenariats techniques avec l’Europe et l’Asie, encourager les échanges d’expertise en préparation mentale, consolider des ligues nationales compétitives afin de réduire l’exode précoce des talents. Faute de quoi, l’Afrique continuera d’alterner coups d’éclat et lendemains qui déchantent, laissant à d’autres le soin d’écrire l’histoire du ballon rond planétaire.