Sameb 2025 : la capitale fait la part belle au bois
Deux ans après une édition marquée par l’élan post-pandémique, Brazzaville rouvre ses portes au Salon des métiers du bois. Du 11 au 25 août 2025, le Centre‐ville accueillera quelque 5 600 m² d’expositions sur un site récemment baptisé « Village artisanal », niché entre le stade Alphonse‐Massamba‐Débat et l’avenue des Premiers Jeux africains. Sous le thème « Bois et artisanat : de la forêt à la maison, consommons congolais », l’évènement est conjointement piloté par le ministère des Petites et moyennes entreprises et de l’Artisanat et celui de l’Économie forestière. « Notre ambition est de montrer qu’il existe, ici même, une offre de meubles concurrentielle et écologiquement responsable », a déclaré la ministre Jacqueline Lydia Mikolo lors d’une conférence de presse tenue le 31 juillet, en présence de la directrice générale de l’Agence nationale de l’artisanat, Mireille Elion Opa.
L’ouverture officielle sera ponctuée d’ateliers thématiques sur la certification forestière, la normalisation des essences locales et la conquête des marchés internationaux. Pour le gouvernement, cette quatrième édition constitue autant une vitrine qu’un jalon stratégique : chaque salon aurait généré, selon les services techniques, près de 200 millions de francs CFA de chiffre d’affaires pour les exposants.
Le savoir-faire local, moteur d’une économie circulaire
Le Congo, deuxième massif forestier du Bassin du Congo, dispose d’un avantage comparatif évident. Pourtant, jusqu’à récemment, 80 % du mobilier achevé provenait d’Asie ou d’Europe, malgré un tissu d’ateliers locaux capables de transformer le bois jusqu’à l’étape du vernis final. « La demande intérieure oscille entre 25 000 et 30 000 unités par an ; nous pouvons en fabriquer la moitié sans surcoût », souligne Cédric Ndzon, économiste au Centre d’études prospectives de l’Université Marien Ngouabi.
La promotion du « made in Congo » s’inscrit dans la stratégie gouvernementale de diversification, rappelée lors du dernier Conseil des ministres. L’enjeu n’est pas seulement de réduire la facture des importations : il s’agit aussi de créer des emplois non délocalisables, d’encourager la certification FSC des scieries et de valoriser les sous-produits (copeaux, sciure) dans des chaînes annexes, telle la fabrication de panneaux agglomérés ou de granulés énergétiques.
Un « Village artisanal » pour réenchanter la ville
À première vue, le nouveau site pourrait ressembler à toute foire commerciale. Il a pourtant été conçu comme un laboratoire urbain où l’esthétique architecturale épouse les impératifs environnementaux. Les stands modulaires, fabriqués en pin des plateaux et en aluminium recyclé, couvriront 1 200 m². Les visiteurs pourront suivre, en direct, le travail d’ébénisterie grâce à des ateliers ouverts : découpe numérique, sculpture manuelle, marqueterie fine et finitions à base de vernis écologiques importés de Namibie.
La ministre Rosalie Matondo, venue inspecter les travaux d’aménagement, a insisté sur la convergence des politiques publiques. « Nous avons pris l’option de la transformation plus poussée du bois ; le salon servira de catalyseur pour que les industriels et les artisans coopèrent sur le long terme », a-t-elle indiqué. Outre les stands, le Village artisanal abritera une pépinière de jeunes pousses d’okoumé et de sipo destinée à sensibiliser le public à la reforestation urbaine.
Des partenaires africains pour un marché élargi
Fidèle à son positionnement régional, le Sameb a convié quatre pays d’honneur : la Namibie, le Maroc, l’Angola et la République démocratique du Congo. Le choix n’est pas anodin. La Namibie jouit d’une réputation croissante dans la conception de meubles en bois dur d’acacia, tandis que le Maroc exporte des techniques éprouvées de tadelakt et de zellige transposables à la décoration bois. « Nous misons sur la complémentarité des savoir-faire plutôt que sur la concurrence frontale », explique Lamine Mouyabi, commissaire général du salon.
Des protocoles d’accord sur la formation croisée et la mutualisation des normes de qualité sont en préparation. Ils devraient faciliter la pénétration des marchés d’Afrique australe, où la demande en produits premium connaît une expansion soutenue. Pour les artisans brazzavillois, l’enjeu réside désormais dans le passage à l’échelle industrielle sans renoncer à l’identité esthétique locale.
Entre tradition et design, la parole aux maîtres ébénistes
« Façonner un fauteuil, c’est écrire un poème avec du bois », confie Nadège Ngoma, lauréate 2023 du Prix national de l’innovation artisanale. À ses côtés, l’atelier Mbemba Studios présentera une collection mêlant motifs kongo, lignes scandinaves et finitions au vernis à l’huile de lin. Par-delà l’exercice stylistique, ces artisans militent pour la reconnaissance de la valeur culturelle du meuble, à l’heure où le design congolais s’exporte sur les plateformes numériques.
Le salon accueillera également un concours récompensant la meilleure utilisation des essences locales secondaires, comme le tali ou le bossé clair, souvent sous-exploitées dans les circuits commerciaux. Les lauréats bénéficieront d’un accompagnement à l’incubation et d’un stand subventionné lors de la prochaine Foire internationale de Brazzaville. Pour le public jeune, cible privilégiée de cette édition, des séances interactives de réalité virtuelle permettront de simuler la création d’une table, de la sélection du tronc jusqu’au montage final.