Diplomatie culturelle congolaise : cap sur l’Afrique de l’Ouest
L’étape ouest-africaine d’Anatole Collinet Makosso s’inscrit dans une logique diplomatique qui, depuis Brazzaville, conjugue soft power culturel et consolidation d’alliances politiques régionales. Aux yeux du chef du gouvernement, la promotion de la candidature de Firmin Édouard Matoko à la direction générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture dépasse la sphère électorale interne à l’agence onusienne : elle sert de révélateur à l’ambition congo-centrale de voir émerger une voix africaine forte dans les cercles décisionnels multilatéraux. La temporalité choisie – quelques mois avant le scrutin de Tachkent – souligne la volonté de construire patiemment un faisceau de soutiens africains avant d’aborder les capitales des grands donateurs traditionnels.
Abuja, nœud énergétique et relais d’influence
Le premier arrêt à Abuja ne doit rien au hasard. Le Nigeria, géant démographique et puissance économique continentale, fait figure de pivot diplomatique capable de relayer la cause congolaise auprès de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. L’entretien entre Anatole Collinet Makosso et la ministre déléguée aux Affaires étrangères, Bianca Odumegwu Ojukwu, a mis en avant une identité de vues : reconnaissance mutuelle des talents africains, respect des souverainetés nationales et volonté affirmée de peser dans la gouvernance mondiale. En filigrane, Brazzaville sait qu’un appui d’Abuja crée un effet d’entraînement auprès des capitales voisines, d’autant que le Nigeria siège régulièrement dans les différents organes directeurs de l’Unesco.
Ouagadougou, laboratoire d’une solidarité sécuritaire
La seconde séquence à Ouagadougou a revêtu une dimension sécuritaire plus prononcée. Porteur d’un message personnel du président Denis Sassou Nguesso à son homologue burkinabè, le Premier ministre a salué « l’engagement et la combativité » du capitaine Ibrahim Traoré, faisant écho aux défis auxquels le Burkina Faso est confronté. Dans une région éprouvée par l’insécurité, l’appui de Brazzaville se veut pragmatique : contribuer, par la coopération bilatérale et l’échange de bonnes pratiques, à la stabilisation d’un État clé du Sahel. Cette solidarité se double d’un discours sur la modernisation des infrastructures et l’essor de l’agriculture, prérequis d’une intégration économique africaine que la Zone de libre-échange continentale africaine ambitionne d’accélérer.
Le pari Matoko : stratégie multilatérale du Sud
Au-delà de la bienveillance protocolaire, la tournée vise à sécuriser des voix pour Firmin Édouard Matoko, ancien sous-directeur général de l’Unesco en charge de la priorité Afrique. Son profil d’administrateur chevronné, familier des arcanes de l’organisation, plaide pour une gestion fondée sur la cohésion culturelle et le dialogue des civilisations. Dans un contexte où certains États questionnent leur participation à l’Unesco, la perspective d’un dirigeant africain rompu aux équilibres Nord-Sud rassure plusieurs chancelleries du Sud global. L’argumentaire de Brazzaville, relayé à Abuja comme à Ouagadougou, insiste ainsi sur la nécessité de confier les rênes de l’institution à une personnalité capable de réaffirmer son rôle dans la consolidation du vivre-ensemble international.
Intégration africaine : infrastructures, alimentation et paix
C’est dans la conjugaison des dossiers sécuritaire, économique et culturel que se révèle la cohérence de la démarche congolaise. En soutenant les réformes agricoles burkinabè ou en évoquant, à Abuja, les synergies énergétiques régionales, Anatole Collinet Makosso rappelle qu’une influence diplomatique ne se limite plus aux mûrs des organisations internationales : elle se nourrit de partenariats concrets sur le terrain. L’accent mis sur la sécurité alimentaire, la connectivité routière et la résilience institutionnelle traduit une lecture systémique des fragilités continentales. En filigrane, Brazzaville propose une diplomatie de contributions tangibles, apte à consolider la paix par l’essor socio-économique. L’élection à venir de l’Unesco n’en serait alors qu’un débouché supplémentaire : placer à la tête d’une agence normative mondiale un Africain connaissant intimement les urgences de son continent afin de mieux servir l’universel.
