Une opération citoyenne d’envergure
L’école primaire Alphonse Massamba-Débat de Makélékélé ne résonnait pas d’un coup de sifflet sportif, dimanche 2 novembre 2025, mais du pas décidé de plus de mille cinq cents riverains venus s’enregistrer pour décrocher leur première carte nationale d’identité.
À la tête de cette mobilisation se trouvait Gaëtane Princesse Mouangassa, présidente de l’Association Le Congo Ma Passion d’Afrique Centrale, connue sous l’acronyme ACMPAC, qui a fait de l’accès aux papiers officiels un cheval de bataille citoyen.
Arborant le slogan Ta Carte est un Droit, l’initiative cible les quartiers Diata et Château d’Eau de la troisième circonscription du premier arrondissement de Brazzaville, où de nombreux majeurs ne possèdent toujours pas le précieux sésame indispensable pour voter ou accomplir d’autres démarches administratives.
Au lever du jour, des files ordonnées se sont formées dans la cour sablonneuse de l’école, sous l’œil attentif des bénévoles vêtus de polos rouges. Les équipes de l’ACMPAC avaient sillonné la zone de porte en porte pour rappeler la date et expliquer la procédure d’enrôlement.
Selon les décomptes provisoires communiqués par l’association, 1 512 personnes se sont enregistrées durant cette première journée, un chiffre qui dépasse les attentes initiales et témoigne de l’appétit des habitants pour une citoyenneté pleinement reconnue.
Le parcours d’enrôlement simplifié
Pour obtenir la carte, la démarche est volontairement allégée : acte de naissance ou duplicata, photographie d’identité, puis passage au Commissariat de Police de Quartier de Diata qui prend les empreintes et saisit les informations dans le registre central.
La délivrance reste gratuite, conformément à la réglementation nationale, mais beaucoup ignorent encore cette gratuité ou redoutent la complexité de la démarche, d’où la pertinence, souligne l’ACMPAC, d’interventions de proximité capables de lever les derniers blocages psychologiques.
« Tout Congolais majeur dispose d’un droit inaliénable à l’identité ; notre rôle est de rappeler que les portes sont ouvertes », a insisté Gaëtane Princesse Mouangassa, micro en main, devant la foule attentive rassemblée sous un hangar dressé pour l’occasion.
À la sortie du commissariat mobile, Rodrigue, 19 ans, exhibe fièrement le récépissé qui précède la remise définitive de la carte. Il confie que, sans l’appel des mobilisateurs, il n’aurait pas entrepris les formalités pourtant indispensables pour déposer son premier bulletin.
Engagement social de l’ACMPAC
Créée en 2018, l’ACMPAC œuvre d’ordinaire dans le domaine de la formation des jeunes et de la promotion de l’entrepreneuriat local. Cette campagne d’enrôlement élargit son champ d’action vers la consolidation des droits civiques, perçus comme condition préalable à tout développement durable.
L’association bénéficie du soutien logistique de donateurs privés qui ont financé le matériel d’enregistrement et pris en charge les frais de déplacement des agents volontaires. Pour Princesse Mouangassa, « mettre l’identité à portée de tous, c’est renforcer l’égalité des chances ».
Sur les réseaux sociaux, des vidéos montrant les rangs disciplinés à Diata ont rapidement totalisé plusieurs milliers de vues, encourageant d’autres arrondissements à envisager des opérations similaires, preuve que l’éducation civique trouve aujourd’hui un relais efficace dans le numérique.
Cap vers la présidentielle de 2026
L’élection présidentielle prévue l’an prochain apparaît en toile de fond de la campagne. Sans vote, point de choix ; sans carte, pas de vote, rappelle la dirigeante qui milite au sein du Parti congolais du travail, majoritaire à Makélékélé depuis plusieurs scrutins.
Les statistiques officielles estiment à près de 20 % la proportion de majeurs non détenteurs de CNI dans certains quartiers périphériques de Brazzaville. Réduire ce déficit devrait, selon les analystes, fluidifier le processus électoral et limiter les contestations liées aux listes.
En visitant les stands, plusieurs notables locaux ont salué une démarche « pragmatique et inclusive » répondant aux orientations nationales en matière de participation politique. L’administrateur-maire adjoint, présent sur place, a rappelé que la commune soutient toute action facilitant l’accès aux documents d’état civil.
Objectif 2 000 cartes en une semaine
L’équipe de l’ACMPAC projette de maintenir le dispositif durant sept jours, alternant permanence à l’école Massamba-Débat et déplacements vers des points stratégiques comme le marché Total ou la place de la Paix afin de toucher les retardataires.
Le cap symbolique des deux mille enrôlements est jugé atteignable si l’affluence se maintient. Les organisateurs comptent également sur la diaspora, arrivée en vacances de fin d’année, pour motiver parents et proches restés au pays à régulariser leur situation.
Au terme de la semaine, une cérémonie de remise groupée des cartes est programmée. Au-delà de la photo souvenir, Princesse Mouangassa espère voir naître un réflexe durable : celui de considérer l’identité, non comme un luxe, mais comme la première marche de la citoyenneté active.
Perspectives à long terme
Au-delà de l’échéance électorale, l’ACMPAC projette de dupliquer le modèle dans les départements du Pool et du Niari dès 2026. Le but est d’ériger un maillage permanent d’antennes capables d’accompagner les citoyens tout au long de la chaîne d’état civil. Une formation mobile complétera l’offre.
