Diplomatie congolo-gabonaise en action
Sous le soleil de Libreville, la poignée de main entre Anatole Collinet Makosso et Brice Clotaire Oligui Nguema a rappelé la densité des liens historiques qui unissent Brazzaville et la capitale gabonaise. Dépêché par le président Denis Sassou Nguesso, le chef du gouvernement congolais a porté un « message fraternel » à son homologue, scellant une étape de sa tournée destinée à consolider les soutiens africains en vue de l’élection du prochain directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. Dans l’entourage des deux délégations, on souligne la fluidité des échanges et la convergence de vues sur les priorités régionales, qu’il s’agisse de la sécurité du golfe de Guinée ou du développement des corridors économiques, autant de dossiers sur lesquels Brazzaville et Libreville sont devenus des partenaires quasi indissociables.
Unesco : l’ambition d’une voix africaine renforcée
La candidature de Firmin Édouard Matoko, ancien sous-directeur général chargé des priorités globales Afrique et jeunesse (Unesco, 2022), incarne, selon ses promoteurs, « un tournant stratégique » pour le système multilatéral. Au-delà du symbole, son profil d’administrateur expérimenté ouvre la perspective d’une gouvernance plus inclusive de l’institution parisienne. Qu’il s’agisse de la sauvegarde des manuscrits de Tombouctou, de la réhabilitation de Palmyre ou du classement du parc national d’Odzala-Kokoua, M. Matoko a déjà été associé à des opérations qui épousent l’esprit de la Convention de 1972 sur le patrimoine mondial.
À Libreville, Anatole Collinet Makosso a insisté sur la capacité du diplomate congolais à faire dialoguer diversité culturelle et impératifs de développement durable. Le président Oligui Nguema, qui met en avant une diplomatie de « responsabilité partagée », a salué cette approche et affirmé sa disposition à militer au sein du Conseil exécutif, composé de 58 États membres, pour que « la voix de l’Afrique centrale gagne en portée ».
Rayonnement du Congo et enjeux sous-régionaux
Depuis plusieurs années, Brazzaville investit dans une diplomatie d’influence fondée sur la stabilité institutionnelle et la médiation. Qu’il s’agisse de la crise centrafricaine ou du dossier climatique des tourbières du bassin du Congo, la République du Congo a souvent servi de facilitateur (Union africaine, 2021). Le soutien à Firmin Édouard Matoko s’inscrit dans cette continuité : promouvoir un leadership africain capable de dialoguer sur un pied d’égalité avec les grands bailleurs de fonds et de valoriser les patrimoines endogènes.
Au-delà de l’enjeu de prestige, l’accession d’un ressortissant congolais à la tête de l’Unesco offrirait des retombées tangibles, notamment en matière de programmes éducatifs bilingues et de coopérations scientifiques pour la gestion durable des forêts du bassin du Congo. Plusieurs chancelleries observent par ailleurs que la dynamique actuelle consolide la normalisation des relations entre Libreville et ses partenaires après la transition politique gabonaise engagée en 2023.
Perspectives et calendrier international
La campagne pour la direction générale de l’Unesco, qui culminera lors du vote prévu à l’automne 2025, obéit à des codes feutrés où l’argumentation technique se mêle aux équilibres géopolitiques. Anatole Collinet Makosso entamera dans les prochaines semaines une série de consultations en Afrique de l’Ouest, avant de rejoindre les capitales d’Asie, d’Europe et d’Amérique latine. À chaque étape, il rappellera que l’Afrique, riche d’une jeunesse majoritaire, mérite une représentation accrue au sein des instances onusiennes.
Dans les cercles diplomatiques, l’initiative est perçue comme une démonstration de cohésion au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. Plusieurs observateurs évoquent la possibilité d’un « ticket sous-régional » qui verrait le Gabon, la Guinée équatoriale, le Cameroun et la République centrafricaine défendre la même bannière, renforçant ainsi le poids du continent face aux candidatures asiatique et européenne déjà officieuses.
Si la prudence reste de mise, aucun signe n’indique une fracture au sein des soutiens déclarés. Le chef de l’État congolais, Denis Sassou Nguesso, a d’ores et déjà mandaté son équipe pour préparer, en liaison avec les ministères sectoriels, un plan d’action visant à présenter l’offre programmatique de Firmin Édouard Matoko aux partenaires techniques et financiers. Dans les couloirs du Palais du Peuple à Brazzaville, l’optimisme le dispute à la conscience des réalités arithmétiques : il faudra convaincre au moins 30 votants sur 58.
Pour une gouvernance culturelle partagée
Au terme de son audience, Anatole Collinet Makosso a résumé l’esprit de sa mission : « Bâtir une paix durable passe par l’éducation et la culture, leviers que l’Unesco sait mobiliser ». Cette conviction, portée par Brazzaville et désormais relayée à Libreville, résonne avec les priorités de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. En soutenant la candidature de Firmin Édouard Matoko, l’Afrique centrale espère conjuguer visibilité internationale et impact local.
Les mois à venir diront si cette diplomatie de proximité, adossée à des réseaux d’expertise forgés de longue date, pourra transcender les lignes de fracture habituelles. En attendant, la capitale gabonaise vient de rappeler qu’elle sait, elle aussi, faire entendre une voix constructive sur la scène multilatérale.