Nouvelle cartographie de la formation professionnelle
À l’heure où les économies africaines se disputent les capitaux étrangers à coups de taux de croissance et de stabilité macro-économique, la République du Congo place la qualification de sa jeunesse au centre de son récit national de développement. La présentation le 31 juillet, à Brazzaville, d’une unité mobile de formation par le Fonds national d’appui à l’employabilité et à l’apprentissage (Fonea) constitue, à cet égard, un jalon stratégique. En rendant la formation plus proche des bassins de vie, les autorités entendent corriger une géographie éducative longtemps dominée par les pôles urbains du littoral et de la capitale.
Le ministre chargé de la Formation qualifiante et de l’Emploi, Hugues Ngouelondelé, a souligné la vocation inclusive de l’initiative : « Chaque kilomètre parcouru par ce centre roulant réduit la distance symbolique entre un jeune et son avenir professionnel ». Derrière la formule, se lit la volonté politique d’inscrire l’action éducative dans le sillage du Plan national de développement 2022-2026 qui fait de la valorisation du capital humain un axe cardinal.
Le Fonea, pivot institutionnel d’une stratégie inclusive
Créé par décret en 2021, le Fonea s’est vu confier la mission de financer la création de centres de métiers et de promouvoir l’apprentissage à travers tous les secteurs d’activité. Son directeur général, Patrick Robert Ntsibat, rappelle que « les centres existants, publics comme privés, demeurent concentrés dans les zones urbaines ». L’institution a donc cherché un vecteur de proximité capable de quadriller un territoire vaste de 342 000 km² sans grever les finances publiques par des investissements immobiliers redondants.
La réponse est venue d’un partenariat avec le CEFA des métiers de l’électricité et le projet Mosala, soutenu par la coopération internationale. En mobilisant ces expertises, le Fonea a pu conjuguer ressources matérielles et ingénierie pédagogique, validées par les référentiels de l’Organisation internationale du travail et de l’UNESCO.
L’unité mobile, laboratoire itinérant d’électrotechnique
L’équipement présenté adopte la forme d’un conteneur extensible de 14,5 mètres, posé sur un porteur tout-terrain. À l’intérieur, vingt-trois postes de travail composent un plateau technique dédié à l’électricité du bâtiment, aux systèmes photovoltaïques, au contrôle de moteurs et à la sécurité incendie. Un élévateur latéral rend le dispositif accessible aux personnes à mobilité réduite, tandis qu’un groupe électrogène de 65 kVA garantit l’autonomie énergétique dans les zones non raccordées.
Pensé comme un « centre de formation en miniature », le laboratoire offre des simulateurs numériques, une connexion internet satellitaire et des extincteurs conformes aux normes NFPA. L’habitacle modulable peut, en moins de trente minutes, passer de l’état de roulage à celui de classe high-tech climatisée, démontrant la maturité technique de la filière locale du carrossage spécialisée.
Impacts attendus sur l’employabilité et la cohésion sociale
Sur les 4,2 millions d’habitants que compte le Congo, plus de 60 % ont moins de 25 ans. Souvent cantonnée à l’informel, cette frange démographique aspire à des compétences certifiées qui ouvrent les portes des grands chantiers d’électrification rurale et d’industrialisation naissante. En apportant un socle théorique et pratique reconnu, l’unité mobile répond à la double exigence de compétitivité et de dignité socio-professionnelle.
Au-delà des profils individuels, l’initiative nourrit la cohésion territoriale. Chaque rotation vers les départements du Pool, de la Cuvette ou du Niari constitue, de facto, un signal de l’État vers ses périphéries. Les partenaires au développement y voient un moyen pragmatique de réduire les fractures, tandis que les diplomates accrédités à Brazzaville saluent « une plateforme susceptible de catalyser des projets d’électrification verte régionaux », selon un conseiller économique de l’Union européenne.
Opportunités sous-régionales et coopération internationale
L’approche mobile intéresse déjà plusieurs pays de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. Des délégations venues du Cameroun et du Gabon ont effectué des visites techniques afin d’évaluer la réplicabilité du modèle. Pour Brazzaville, l’exportation d’un savoir-faire en matière de formation itinérante renforcerait l’image d’un Congo contributeur de solutions régionales, en phase avec l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
À court terme, le Fonea prévoit l’acquisition de deux unités additionnelles, spécialisées respectivement dans la maintenance industrielle et le numérique embarqué. Ce déploiement graduel permettra de mutualiser les coûts logistiques, tout en créant un réseau de formateurs volontaires issus de la diaspora congolaise. L’initiative illustre ainsi la capacité du pays à conjuguer innovation pédagogique, inclusion sociale et diplomatie économique, sans renier la prudence budgétaire requise par le contexte post-pandémie.