Un décaissement qui confirme la crédibilité budgétaire d’Addis-Abeba
En approuvant un nouveau décaissement de 262,3 millions de dollars au titre de la Facilité élargie de crédit, le Fonds monétaire international envoie un signal de confiance d’une portée diplomatique non négligeable. À Washington, un membre du Conseil d’administration décrit « un engagement sérieux et constant à corriger les déséquilibres », confiant que l’institution n’aurait pas donné son feu vert si les indicateurs ne témoignaent pas d’un virage tangible. Pour Addis-Abeba, cette décision allège la pression sur une balance des paiements fragilisée par deux années de chocs successifs, du conflit interne à la volatilité des cours internationaux.
Réformes macroéconomiques : cap maintenu malgré la houle conjoncturelle
L’exécutif éthiopien a poursuivi des réformes dont la profondeur impressionne les observateurs. La libéralisation partielle du régime de change, l’ajustement des tarifs administrés et la refonte progressive de la politique monétaire ont contribué à ramener l’inflation annuelle sous le seuil symbolique de 20 %. Selon un conseiller économique installé dans la capitale, « la stabilisation des prix du maïs et du teff illustre déjà l’effet des nouvelles règles de marché ». Dans le même temps, les recettes fiscales, longtemps considérées comme l’angle mort de l’économie éthiopienne, affichent une croissance à deux chiffres, soutenue par une digitalisation accélérée des régies.
Taux de change et réserves : la diplomatie du birr face au dollar
La récente flexibilisation du birr a réduit l’écart entre taux officiel et taux parallèle, améliorant la compétitivité extérieure. Les exportations d’or ont bondi, alimentant des réserves internationales désormais supérieures à quatre mois d’importations, un seuil rarement atteint dans l’histoire récente du pays. Les autorités monétaires ont veillé à éviter tout repli spéculatif, en limitant les avances directes de la banque centrale au Trésor. Un diplomate européen observe que « le FMI voit là un test grandeur nature de la capacité africaine à piloter une transition vers un taux de change plus réaliste sans choc socio-politique majeur ».
Viabilité de la dette : négociation serrée avec le Comité des créanciers officiels
Si les performances macroéconomiques sont saluées, le dossier de la dette demeure complexe. La part des emprunts non concessionnels a diminué, mais le service reste lourd et mobilise près d’un cinquième des recettes publiques. Addis-Abeba négocie avec le Comité des créanciers officiels dans le cadre du Cadre commun, espérant un rééchelonnement assorti de conditions jugées « supportables ». Le FMI insiste sur la transparence dans la publication des contrats et sur la limitation des garanties souveraines implicites. Cette démarche pourrait servir de baromètre à d’autres économies africaines en discussion avec leurs partenaires bilatéraux.
Risques sécuritaires et aide extérieure : la résilience éprouvée
Le conflit dans le nord, bien qu’en phase de désescalade, pèse encore sur les dépenses budgétaires. Par ailleurs, la réduction graduelle des appuis budgétaires de certains bailleurs, conséquence d’agendas domestiques plus serrés, force le gouvernement à hiérarchiser ses priorités. Les autorités ont néanmoins préservé les programmes de protection sociale, jugés essentiels pour maintenir la cohésion nationale. Pour un haut fonctionnaire du ministère des Finances, « la stabilité économique reste vaine si elle ne se traduit pas immédiatement par un filet de sécurité pour les plus vulnérables ».
Un terreau pour l’investissement privé et la transformation structurelle
L’ouverture du secteur des télécommunications et l’introduction d’un cadre incitatif pour les partenariats public-privé signalent la volonté de passer d’une croissance tirée par l’investissement public à une croissance plus centrée sur le secteur privé. Le FMI, prudent, rappelle que seule une amélioration durable du climat des affaires — simplification des procédures douanières, sécurisation du régime foncier, justice commerciale plus fluide — convaincra les capitaux étrangers de miser sur le marché éthiopien au-delà de la rente des infrastructures. À moyen terme, l’objectif affiché est d’ancrer l’économie dans les chaînes de valeur industrielles régionales, ce qui renforcerait la position géo-économique de la Corne de l’Afrique.
Un miroir continental et des enseignements pour les partenaires
Au-delà des frontières éthiopiennes, ce nouvel engagement du FMI relance le débat sur la pertinence de politiques d’austérité face aux besoins d’investissement en Afrique. Les créanciers cherchent un équilibre entre discipline budgétaire et financement de projets structurants, tandis que les gouvernements tentent d’éviter l’effet ciseau d’une consolidation trop rapide. Dans ce contexte, l’expérience d’Addis-Abeba offre un laboratoire précieux : elle démontre qu’une trajectoire de réformes ambitieuses peut attirer les appuis financiers multilatéraux, pour peu que la gouvernance et la communication autour des résultats restent constantes. À l’heure où les économies émergentes scrutent les signaux de Washington, la Corne de l’Afrique rappelle qu’une stratégie cohérente, quoique exigeante, peut encore convaincre les bailleurs d’apporter un soutien massif et conditionné à la stabilité régionale.