Une mise à l’index aux lourdes conséquences
L’Algérie se retrouve confrontée à un isolement financier prononcé après son inscription sur la liste actualisée de l’Union Européenne des pays à haut risque en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Cette liste noire, officialisée le 10 juin 2025, commence à manifester ses effets perturbateurs sur un système financier algérien déjà précaire, exposant ainsi de vieilles faiblesses structurelles.
Conséquences d’une surveillance renforcée
La décision de l’UE, conformément au classement de l’Algérie par le Groupe d’action financière (GAFI) en zone grise en 2024, impose aux institutions financières européennes une vigilance accrue dans toutes les transactions impliquant des entités algériennes. Cela implique une vérification plus stricte des clients, des coûts de conformité accrus, et des retards ou refus potentiels dans le cadre des paiements transfrontaliers.
Pour l’Algérie, cela signifie une réduction de l’accès aux marchés de capitaux internationaux, un risque de réputation accru et un coup de froid sur les investissements directs étrangers. Le système financier du pays, déjà mis à mal, fait face à une exclusion institutionnalisée du réseau financier mondial.
Le marché noir des devises, symptôme d’un malaise profond
Au cœur du dysfonctionnement monétaire algérien se trouve le marché parallèle des devises. Ce système dominant d’échange de devises en Algérie voit le dinar s’échanger sur le marché noir à un taux supérieur de 60% au taux officiel, comme l’indique le Country Risk Report d’Allianz de 2025. Bien que le taux officiel stagne autour de 140 dinars pour un dollar américain, le marché parallèle enregistre plutôt des taux variant entre 230 et 250 dinars par dollar.
Ce système de double taux de change déforme les échanges commerciaux, encourage la fuite des capitaux et sape la crédibilité de la banque centrale, facilitant l’accès aux fonds pour les groupes terroristes et les gangs criminels.
Un système bancaire à la traîne
Le secteur bancaire algérien est parmi les moins développés en Afrique du Nord. Plus de 85% des actifs bancaires sont détenus par des institutions étatiques, et moins de 20% des Algériens ont accès aux services financiers formels, d’après les estimations de la Banque mondiale.
Le secteur manque d’infrastructures numériques, d’intégration internationale, et de transparence, des facteurs qui pèsent lourdement sous le régime de surveillance renforcée de l’UE. Des analystes soutiennent que l’isolement monétaire de l’Algérie n’est pas simplement une conséquence du sous-développement mais une politique délibérée. Le refus du gouvernement de libéraliser le taux de change, de moderniser le système bancaire ou de démanteler le marché informel reflète une stratégie plus large de contrôle économique.
Risques d’un décalage économique croissant
Cette approche se révèle toutefois de plus en plus insoutenable. Tandis que des pays voisins comme le Maroc et l’Égypte renforcent leur intégration aux marchés mondiaux, l’Algérie risque de devenir une exception financière.
Sans réformes urgentes, le pays pourrait se trouver exclu du système financier international pour une période difficilement définissable, ancrant son isolement et freinant ses perspectives de développement économique.