Dynamique d’ouverture : un festival fédérateur
Lundi 21 juillet 2025, les ors du Palais des congrès de Brazzaville ont résonné d’un vibrant accord inaugural. En procédant à l’ouverture officielle du symposium de la 12ᵉ édition du Festival panafricain de musique, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso a voulu, selon ses propres mots, « faire de la capitale congolaise le diapason d’une Afrique créative, fière et ambitieuse ». Chercheurs, ethnomusicologues, acteurs du numérique et opérateurs culturels répondent à l’appel. Au-delà d’un simple segment académique, le symposium devient la chambre d’écho d’une diplomatie culturelle assumée, où l’art et l’économie dialoguent en territoire congolais, sous le regard attentif d’un gouvernement déterminé à conjuguer héritage et modernité.
Numérique et embellie économique sectorielle
Le thème « Musique et enjeux économiques en Afrique à l’ère du numérique » n’a rien d’une coquetterie intellectuelle. Il traduit l’urgence de capter, structurer et redistribuer la valeur générée par un marché digital évalué à plusieurs milliards de dollars au sud du Sahara. Pour Fatoumata Barry Mariega, représentante résidente de l’UNESCO, « le symposium n’est pas un simple bilan, mais une fabrique de solutions ». L’argument n’est pas abstrait : streaming, intelligence artificielle et fintech transforment l’industrie musicale africaine en un champ d’opportunités, pour peu que la gouvernance des droits d’auteur et la mise à niveau des infrastructures de données suivent le rythme. À Brazzaville, les tables rondes consacrées aux régulations fiscales, aux régimes de propriété intellectuelle et aux passerelles avec la ZLECAf illustrent une approche continentale pragmatique.
Politiques publiques et diplomatie culturelle concertées
Lydie Pongault, ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs, rappelle que « le symposium est le cœur intellectuel du FESPAM car il permet à l’Afrique de penser sa musique, de la protéger, de la promouvoir et de la projeter ». Dans la continuité de la Déclaration Mondiacult 2022, Brazzaville promeut une politique volontariste de formation et d’encadrement des usages numériques. Les annonces budgétaires destinées à renforcer les centres de création et les incubateurs culturels témoignent d’une volonté de transformer l’art en véritable moteur de diversification économique. Les partenaires techniques, de l’Union africaine à des plateformes privées de distribution, saluent un dialogue public-privé devenu indispensable pour séduire investisseurs et bailleurs.
Mémoire organologique et patrimoine panafricain
Dans l’aile latérale du Palais, une autre cérémonie attire les caméras : la remise officielle d’instruments traditionnels au Musée panafricain de la musique. Du pende congolais à l’inanga rwandaise, chaque pièce raconte un fragment de l’âme continentale. « Ils viennent enrichir un trésor collectif qui fonde notre identité sonore », confie le directeur du musée, Honoré Mobonda. Le dépôt d’instruments, entamé dès les années 1990, ne relève plus seulement de la sauvegarde patrimoniale ; il nourrit la recherche scientifique, inspire les jeunes luthiers et alimente l’économie du tourisme culturel. En intégrant ces reliques au circuit muséal, Brazzaville renforce sa position de capitale panafricaine de la lutherie et illustre la synergie entre conservation et innovation.
Voix d’experts : regards croisés sur l’avenir
Les interventions des musicologues alternent avec celles des entrepreneurs numériques. Abdou Sambadjiata, directeur général de la Culture de la Côte d’Ivoire, insiste sur la dimension mémorielle du goni, « flûte des griots, porteuse de valeurs et d’histoires ». À ses côtés, Vienvona Babajidou, haute fonctionnaire mauritanienne, démontre comment le umuduri, jadis cantonné aux berceuses, inspire aujourd’hui des compositeurs électro-acoustiques. Le dialogue devient laboratoire : éthiques de l’IA générative, équité algorithmique et blockchain pour la traçabilité des redevances nourrissent un vocabulaire commun. Les diplomates présents entendent déjà capitaliser sur ces convergences pour bâtir des régulations régionales qui protègent la création sans contrarier l’investissement.
Perspectives : FESPAM comme levier d’émergence
À l’heure de refermer les débats, le Premier ministre souligne « la nécessité de consolider des opportunités économiques adaptées aux défis contemporains ». L’enjeu dépasse le simple secteur musical ; il participe d’une stratégie nationale de promotion des industries culturelles et créatives, pilier identifié du Plan national de développement. En offrant une tribune d’influence à l’Afrique musicale, Brazzaville consolide également sa stature diplomatique, servant de hub où convergent pensées économiques, impératifs patrimoniaux et ambitions géostratégiques. Si la note devient parfois monnaie, elle demeure surtout langage d’un continent qui veut compter dans la symphonie internationale du XXIᵉ siècle.