Une prise de parole attendue à Talangaï
Devant les caméras brazzavilloises braquées sur le parvis du flambant-neuf Complexe scolaire de la Liberté, Denis Sassou-Nguesso s’est exprimé vendredi 24 octobre 2025, à la surprise générale, sur l’opération sécuritaire conduite par la Direction générale de la sécurité publique contre les “bébés noirs” et kulunas.
Le chef de l’État, interrogé par Roger Essouli de Radio-Congo, a confirmé avoir personnellement donné l’instruction de mobiliser la Force publique afin, dit-il, « que nos compatriotes puissent vivre et travailler en paix ». Une déclaration qui clarifie le pilotage politique de l’offensive.
Rétablir la paix : objectif affiché
Depuis plusieurs semaines, les quartiers populaires de Brazzaville voient patrouiller des unités en uniforme vert bouteille. Officiellement, l’opération vise à démanteler les bandes responsables d’attaques nocturnes, de vols à l’arraché et de rackets qui, selon les autorités, minent la quiétude urbaine.
Le président a rappelé que « les Congolais ont souvent la mémoire courte » et que la nation, depuis son indépendance, traverse par vagues successives des épisodes de violences. « Nous avons décidé, surtout à partir de l’an 2000, de rompre ce cycle », a-t-il insisté.
Le rôle élargi de la Sécurité présidentielle
La Direction générale de la sécurité publique coordonne l’opération, mais la Sécurité présidentielle a été appelée en renfort. Pour Denis Sassou-Nguesso, le décret constitutif de cette composante prévoit déjà une participation au maintien de l’ordre dès lors que la stabilité intérieure l’exige.
« Le commandant en chef peut désigner une unité pour une mission spéciale », a-t-il expliqué, faisant référence aux précédentes interventions réussies dans le département du Pool. Les troupes concernées bénéficient, souligne-t-il, d’une formation « particulière, sévère, solide » censée garantir discipline et efficacité.
Les populations rassurées par les premiers résultats
À Talangaï, plusieurs habitants se disent déjà rassurés par la présence quasi permanente des patrouilles mixtes. Joëlle Massamba, commerçante près du marché Télé-Télé, affirme que ses clients « restent plus tard sans craindre d’être dépouillés ». Même sentiment au quartier Mikalou, relais habituel des jeunes délinquants.
Le ministère de l’Intérieur recense, de source policière, plus de cent arrestations depuis le lancement de l’opération. Si aucune statistique officielle n’a encore été publiée, les services judiciaires indiquent que la majorité des mis en cause possède un casier déjà marqué par des faits de vol aggravé.
Une opération appelée à durer
Contrairement à certaines opérations antérieures, parfois qualifiées de « feux de paille » par la presse, le chef de l’État promet cette fois une action de longue haleine. « Ce ne sera pas possible de laisser la situation se redévelopper », a-t-il martelé devant les reporters.
Pour soutenir l’élan, un état-major ad hoc réunit, sous la houlette du général Serge OBOA, policiers, gendarmes, militaires et représentants des mairies. L’objectif est d’assurer un échange d’informations en temps réel afin de poursuivre les délinquants en cas de repli vers les communes voisines.
Une cellule de communication sera prochainement accessible via un numéro vert, annonce le colonel Charles Ibara, porte-parole de la D.G.S.P. Elle permettra aux citoyens de signaler tout mouvement suspect et de suivre l’évolution des interventions, renforçant ainsi le partenariat entre Forces de sécurité et population.
Perspectives pour Brazzaville et Pointe-Noire
Si Brazzaville constitue la priorité, le dispositif devrait rapidement s’étendre à Pointe-Noire, deuxième poumon économique du pays. Le ministre de l’Intérieur a déjà dépêché une mission de repérage pour identifier les zones rouges autour des quartiers Tié-Tié, Loandjili et Mbota.
Les experts en criminologie de l’Université Marien-Ngouabi estiment que la mobilité des bandes est favorisée par le trafic ferroviaire et routier entre les deux métropoles. « Un plan intégré de transport sécurisé est indispensable », suggère le professeur Dieudonné Ndzaba, rappelant l’importance d’un maillage territorial cohérent.
Dans l’immédiat, les autorités privilégient la présence physique sur le terrain. Plusieurs véhicules blindés légers, récemment entretenus, ont été redéployés. Leurs gyrophares visibles jusque tard dans la nuit dissuadent, selon la mairie centrale, les tentatives de regroupement des brigands autour des principaux axes commerciaux.
Derrière l’enjeu sécuritaire, se profile aussi la perspective économique. Le secteur formel, composé de PME et de vendeurs du secteur informel, dépend d’un climat pacifié pour prospérer. La Fédération des entreprises du Congo salue une initiative « de nature à restaurer la confiance et l’investissement local ».
À Talangaï, le président a conclu son échange d’un ton résolu : « Vous le constaterez, ce ne sera pas un feu de paille ». Les prochaines semaines permettront de mesurer l’ampleur de l’effort, mais le message gouvernemental est clair : la paix reste la priorité nationale.
Le sociologue Jean-Paul Mvoula remarque toutefois que la durabilité de l’opération dépendra aussi de programmes sociaux. Il plaide pour un accompagnement en matière d’apprentissage professionnel afin d’offrir aux jeunes tentés par la délinquance une alternative crédible au gain facile.
À l’échelle régionale, les gouverneurs des départements limitrophes se préparent à coopérer pour éviter le déplacement des malfaiteurs vers les zones rurales. Des réunions techniques sont annoncées à Kinkala et Dolisie afin d’harmoniser les procédures d’interpellation et de transfert sécurisé des suspects.
