La gouvernance sanitaire au cœur des priorités
Sous la coupole du Centre international de conférences de Kintélé, le professeur Jean-Rosaire Ibara a présidé, les 17 et 18 juillet 2025, une session où l’atmosphère était tout à la fois studieuse et volontariste. En faisant dialoguer experts des Nations unies, praticiens congolais et autorités locales, le ministre de la Santé et de la Population a rappelé que « l’efficacité du secteur dépend d’abord de la solidité de ses institutions ». La première recommandation, visant à consolider le cadre juridique du Conseil national de la santé, s’inscrit dans cette logique. En renforçant son pouvoir consultatif et sa capacité de suivi, Brazzaville entend doter la politique publique d’un organe d’orientation pérenne, à l’image des structures de référence que l’on rencontre en Afrique australe.
Soutenabilité financière et infrastructures d’avenir
La question du financement demeure l’épine dorsale de toute réforme sanitaire. L’appel à un mécanisme de financement durable – deuxième recommandation – traduit la volonté d’élargir la part budgétaire allouée à la santé tout en mobilisant des leviers innovants, tels que les obligations à impact social ou la taxe de solidarité sur certains produits de consommation. Dans le même souffle, les délégués ont souligné la nécessité d’améliorer les infrastructures et équipements, particulièrement dans les départements du Kouilou, de la Sangha et des Plateaux où les centres hospitaliers accusent un déficit en plateaux techniques. La modernisation des blocs opératoires de l’hôpital Edith Lucie-Bongo Ondimba, financée conjointement par l’État et la Banque africaine de développement, est citée comme modèle reproductible.
Urgences, climat et engagement communautaire
Les épisodes épidémiques récents – de la Covid-19 à la flambée de dengue signalée dans le bassin du Niari – ont rappelé la fragilité des systèmes d’alerte. À Kintélé, les participants ont donc proposé la mise en place d’un centre national de gestion intégrée des urgences, interconnecté avec l’OMS et les Instituts Pasteur de la sous-région. Parallèlement, l’implication des communautés, notamment à travers les réseaux d’agents de santé villageois, a été présentée comme levier indispensable pour la promotion de la prévention. Sur le volet environnemental, l’adoption d’un principe de « santé-climat » intègre désormais la cartographie des risques de crues du fleuve Congo ou l’impact des poussières sahéliennes sur les infections respiratoires. Cette approche holistique rejoint la diplomatie climatique prônée par le président Denis Sassou Nguesso lors du Sommet des Trois Bassins.
Capital humain et partenariats stratégiques
Le défi des ressources humaines n’a pas été occulté. La valorisation des carrières médicales, quatrième axe majeur, repose sur la révision du statut des praticiens, la formation continue et la création d’incitations pour les médecins intéressés par les zones rurales. Selon une étude conjointe de l’Université Marien-Ngouabi et de l’UNFPA, près de 43 % des professionnels diplômés entre 2015 et 2020 exercent à l’étranger. L’amélioration des conditions de travail pourrait infléchir cette courbe.
Autre pilier, le développement de partenariats public-privé permettrait d’accélérer la couverture diagnostique. Les discussions avancées avec un consortium sino-congolais pour la construction d’un centre de radiothérapie à Pointe-Noire témoignent de cette orientation. Les bailleurs multilatéraux, tout en saluant la démarche, insistent sur la transparence et la viabilité économique des projets pour garantir leur succès à long terme.
Vers une feuille de route consolidée
En filigrane de ces recommandations se dessine un objectif partagé : démocratiser l’accès aux soins et revitaliser les districts sanitaires, afin que la promesse constitutionnelle d’un droit à la santé redevienne tangible à Sibiti comme à Brazzaville. La prochaine session du Conseil, annoncée pour le premier trimestre 2026, devra transformer ces orientations en résolutions normatives, avec un calendrier de mise en œuvre chiffré. Le ministre Ibara a précisé que « l’État assumera son rôle de stratège, tandis que les collectivités et le secteur privé seront les bras opérationnels ».
En prêtant une oreille attentive à la communauté internationale tout en gardant le cap de la souveraineté sanitaire, le Congo-Brazzaville affiche la volonté de conjuguer responsabilité et innovation. Si la santé demeure un chantier toujours perfectible, les conclusions de Kintélé offrent un cadre méthodique pour traduire la vision nationale en résultats mesurables, conformément à la feuille de route 2025-2027 du gouvernement.