Digitalisation logistique au cœur de la vision congolaise
Sous la lumière tamisée d’une salle de conférence de Pointe-Noire, le 16 juillet 2025, les dirigeants de SOSEP Groupe SA ont dévoilé Joukwa, application mobile conçue pour simplifier l’approvisionnement interentreprises. Derrière l’apparente sobriété du lancement se dessine une ambition parfaitement alignée avec les orientations du Plan national de développement 2022-2026 : moderniser les chaînes logistiques pour améliorer la compétitivité et soutenir la diversification de l’économie nationale.
Le chargé des opérations, Abiguel Massouka, décrit Joukwa comme « un partenaire stratégique dans la gestion des flux internationaux », soulignant la dépendance congolaise vis-à-vis des importations d’équipements industriels. Le diagnostic est partagé par de nombreux économistes africains : la lenteur administrative, l’asymétrie d’information et la volatilité des coûts logistiques constituent un frein structurel. Joukwa se propose de numériser ces nœuds critiques afin d’en réduire la friction et, partant, les coûts de transaction.
Un outil taillé pour les impératifs du B2B africain
L’application réunit, sur une interface unique, la mise en relation avec des fournisseurs référencés, le suivi en temps réel des colis, l’assurance-qualité et la sécurisation des paiements internationaux. Ame César Sehossolo, responsable de la communication, insiste sur l’algorithme de négociation automatique « capable d’agréger les commandes pour alléger les frais de fret et de colisage ». Les très petites entreprises, souvent les plus exposées au surcoût logistique, y voient l’opportunité d’accéder à des tarifs jusque-là réservés aux grands donneurs d’ordre.
Cette mutualisation de la demande s’insère dans un mouvement plus large de transformation numérique en Afrique centrale, où les applications mobiles compensent les déficiences d’infrastructures physiques. Le cabinet Deloitte chiffre déjà à près de 180 milliards de dollars le potentiel de création de valeur liée à la digitalisation de la chaîne d’approvisionnement africaine d’ici 2030, un horizon qui confère à Joukwa une pertinence à long terme.
Un adjuvant à la mise en œuvre de la ZLECAF
Au-delà de l’innovation technologique, l’arrivée de Joukwa s’inscrit dans le contexte géopolitique de la Zone de libre-échange continentale africaine. L’intégration effective des marchés repose autant sur la réduction des droits de douane que sur la fluidité des opérations transfrontalières. En offrant un guichet unique pour la documentation douanière et la traçabilité des biens, Joukwa vient renforcer la capacité des opérateurs congolais à tirer parti de la ZLECAF tout en répondant aux recommandations de la Commission économique pour l’Afrique, qui encourage une « infrastructure douce » numérique pour accompagner l’unification du marché.
L’implication simultanée du Congo-Brazzaville et de la République démocratique du Congo, où SOSEP Groupe est également présent, confère à la plateforme une dimension sous-régionale susceptible de consolider la coopération bilatérale déjà dynamique sur le corridor fluvial du fleuve Congo.
Regards d’experts et perspectives régionales
Interrogé sur l’impact potentiel de Joukwa, le professeur Chancel Pounga de l’Université Marien-Ngouabi observe que « la transparence apportée par la traçabilité numérique crée un climat de confiance qui peut attirer des investisseurs extérieurs dans la chaîne de valeur logistique ». À Brazzaville, un diplomate européen en poste souligne la compatibilité de la solution avec les normes de conformité internationales, un atout significatif pour les sociétés exportatrices de la zone CEMAC souhaitant élargir leurs débouchés.
Pour sa part, la Fédération des entreprises du Congo note déjà un regain d’intérêt des PME locales pour l’importation groupée d’équipements de construction, secteur stimulé par le programme gouvernemental de modernisation des infrastructures. Cette corrélation entre outil numérique et politiques publiques laisse entrevoir un cercle vertueux, dans lequel la technologie soutient l’agenda de développement national tout en stimulant l’entrepreneuriat régional.
Cap sur une économie plus résiliente
La réussite de Joukwa ne dépendra pas seulement de ses fonctionnalités, mais aussi de sa capacité à s’imbriquer dans l’écosystème réglementaire et financier existant. Les autorités monétaires, engagées dans la modernisation des moyens de paiement, ont déjà ouvert la voie à des interfaces applicatives avec les systèmes bancaires locaux. Cette synergie devrait accélérer l’adoption de la plateforme, notamment dans les secteurs clés que sont les hydrocarbures, les BTP et le transport, identifiés comme également prioritaires dans la stratégie nationale d’industrialisation.
S’il est encore trop tôt pour mesurer l’impact macroéconomique de Joukwa, la dynamique qu’elle enclenche illustre la volonté croissante des acteurs privés d’accompagner les orientations gouvernementales. En connectant plus étroitement le Congo aux flux commerciaux continentaux, la plateforme contribue in fine à renforcer la résilience économique et la projection d’influence du pays sur l’échiquier régional. Dans un environnement global où la réactivité de la chaîne logistique devient un facteur stratégique, Joukwa pourrait bien incarner l’une des cartes maîtresses de la diplomatie économique congolaise.