La jeunesse au cœur d’un moment charnière congolais
La démographie place aujourd’hui près de sept Congolais sur dix en dessous de trente ans, un ratio que peu d’États peuvent afficher dans un contexte mondial de vieillissement. L’exécutif de Brazzaville, conscient des opportunités mais aussi des fragilités qu’implique une telle pyramide des âges, a convié l’UNESCO à finaliser la Politique nationale de la jeunesse, vue comme instrument structurant de sa feuille de route « Congo 2030 ». Dans la salle de conférence du ministère de la Jeunesse, les techniciens des deux parties ont entériné un document qui se veut à la fois doctrine et boîte à outils, prêt à irriguer les programmes sectoriels dès 2025.
Un partenariat UNESCO-Gouvernement qui dépasse la coopération technique
Le sceau de l’UNESCO confère au texte une légitimité internationale qui renforce sa crédibilité auprès des bailleurs, en particulier ceux déjà engagés dans la sous-région CEEAC. Selon le représentant de l’Organisation, « le Congo rejoint ainsi la courte liste des États ayant aligné leur politique jeunesse sur l’Agenda 2030 et l’Agenda 2063 de l’Union africaine ». Cette convergence normative ouvre la voie à une mutualisation de financements innovants, tels que les fonds verts pour le climat susceptibles de soutenir les volets économie numérique et transition écologique du plan.
Autonomisation et inclusion : capitaliser sur le dividende démographique
Le premier pilier de la nouvelle stratégie vise à accroître l’autonomie économique des jeunes tout en réduisant les écarts territoriaux et de genre. L’appui au micro-crédit, l’instauration de dispositifs d’incubation et la création de zones d’opportunité rurale doivent compenser le déséquilibre persistent entre le littoral mieux loti et l’hinterland. Pour Charles Mackaya, « investir dans la jeunesse, c’est doter le pays d’un amortisseur social et d’un moteur de croissance ». Les prochains budgets vont donc consolider le Fonds national d’appui à l’entrepreneuriat, expérimenté depuis 2022 avec un taux de remboursement supérieur à 80 %, un indicateur jugé prometteur par la Banque africaine de développement.
Formation et emploi : préparer un capital humain compétitif
L’axe formation met en exergue la refonte du cursus technique et professionnel, afin de répondre à la demande croissante des secteurs minier, agro-industriel et numérique. L’Institut national pilote d’enseignement technique de Pointe-Noire doit servir de modèle, avec un partenariat public-privé associant opérateurs et universités. Sur le front de l’emploi, le plan entend stimuler la création annuelle de cent mille nouveaux postes, objectif jugé réaliste par le ministère de l’Économie au regard des grands chantiers d’infrastructure annoncés et de l’intégration des chaînes de valeur régionales (CEMAC, 2024).
Participation civique et bien-être : vers une citoyenneté proactive
Au-delà de l’économie, le texte consacre un volet substantiel à la citoyenneté responsable et à la santé mentale. Un programme d’éducation civique labellisé « La République commence à l’école » renforcera les clubs UNESCO et les conseils locaux de jeunes. Sur le plan du bien-être, le ministère de la Santé projette l’implantation de centres psycho-sociaux dans chaque département, en réponse aux vulnérabilités amplifiées par la pandémie de Covid-19. Les partenaires techniques, notamment le Fonds des Nations unies pour la population, saluent la cohérence d’un dispositif qui articule prévention, accès aux sports et culture avec un effort accru sur la lutte contre les addictions.
Gouvernance, financement, suivi : la méthode congolaise
Pour éviter l’écueil des stratégies sans lendemain, le dispositif a été doté d’un cadre de résultats assorti de trente-deux indicateurs clés, pilotés par un comité national de suivi placé sous l’autorité directe du Premier ministre. Le ministère du Plan a prévu une programmation triennale glissante calée sur le budget-programme, afin d’assurer la prévisibilité des crédits. À court terme, 1,5 % du PIB sera alloué aux actions jeunesse, un ratio appelé à croître à mesure que la dynamique de croissance se consolide. La société civile, invitée à siéger comme observatrice, garantit une veille participative tout en évitant la fragmentation des initiatives.
Une diplomatie de la jeunesse à l’échelle régionale
En plaçant la jeunesse au centre de son action publique, Brazzaville aligne sa stratégie sur les objectifs communs de la CEEAC et de l’Union africaine, ce qui renforce sa crédibilité lors des sommets continentaux. À l’heure où plusieurs pays voisins révisent également leurs politiques, le Congo se positionne comme laboratoire régional. Cette posture devrait favoriser la mobilité estudiantine, l’harmonisation des certifications et l’essor de projets transfrontaliers soutenus par la Banque mondiale. En filigrane, le pays entend envoyer un message clair : la stabilité politique et la maturité institutionnelle constituent des catalyseurs d’opportunités pour une génération désireuse de s’inscrire dans un récit national résolument tourné vers l’avenir.