Passion toujours vive
À 65 ans, Jean-Paul Pila garde intacte la passion née sur la pelouse du stade Eboué. Installé à Orléans depuis 2011, l’ancien coach des Diables Rouges dames suit toujours, de loin, l’actualité bouillonnante du football congolais.
Dans cet entretien accordé à notre rédaction, le technicien revient sur un parcours entamé avec Kotoko de Mfoa avant de briller à l’Étoile du Congo, au CARA ou encore à Saint-Michel de Ouenzé, multipliant titres nationaux et expériences africaines.
Son œil exercé porte également sur les défis structurels du championnat, la formation des encadreurs et la nécessité, selon lui, d’un soutien financier plus conséquent pour libérer tout le potentiel des talents locaux et relancer les ambitions continentales des clubs.
Un palmarès bâti à Brazzaville et Pointe-Noire
Formé auprès des légendes Gaston Tchiangana, Roger Malonga et Gentil Nkounkou alias Shopi, Pila hérite très tôt d’une culture tactique solide. Avec Kotoko, il décroche le championnat de Brazzaville 1989 avant d’être couronné champion du Congo édition B la même année.
Le passage à l’Étoile du Congo reste, dit-il, le « plus fécond » de sa carrière : trois championnats (1999, 2001, 2002) et deux Coupes du Congo, assortis de campagnes africaines qui lui ouvrent les portes d’un réseau continental grandissant.
Ses étapes suivantes – CARA, Club 57, Saint-Michel, La Mancha ou Patronage – consolident cette réputation. « Chaque vestiaire demande une approche adaptée, mais tous ont soif de rigueur », raconte-t-il, soulignant l’importance de l’analyse vidéo et de la préparation mentale avant les grands rendez-vous.
Sélections nationales et exploits régionaux
Appelé en 1995 à la tête des cadets, Pila découvre la pression du maillot rouge. Entre 2000 et 2007, il conduit les seniors dames, puis les espoirs, couronnés d’or aux Jeux d’Afrique centrale 2007 et finalistes de la Coupe CEMAC 2008 à Yaoundé.
Sans détour, il se rappelle l’émotion d’un stade plein à Kintele : « Ces moments valent tous les sacrifices ». En 2010, il répond à l’appel de la Guinée équatoriale et hisse le Nzalang National dames au rang de vice-championnes d’Afrique, performance alors saluée.
Diplômes et méthode d’apprentissage continue
Diplômé de la licence A obtenue en 1995 à Sportschule Hennef, en Allemagne, Pila cumule stages CAF, Futuro II et projets Méditerranée. « Chaque formation rafraîchit les idées », explique celui qui fut major de promotion au premier degré 1994 sous la houlette de Joachim Fickert.
Il a aussi appris auprès de Philippe Redon, Gabriel Calderón ou Malouche Belhassen ; un carnet de contacts qu’il juge aussi précieux que les diplômes. « La compétence se partage ; un coach isolé stagne », glisse-t-il en insistant sur l’actualisation permanente des savoirs.
Interrogé sur la tendance aux formations en ligne, il se montre ouvert : « Les webinaires complètent mais ne remplacent pas la pratique ». Il encourage la mise en place de laboratoires vidéo au sein des clubs, à l’image des centres européens qu’il a fréquentés.
Regard critique sur le championnat congolais
Suivant à distance les résultats, Pila constate « une irrégularité préjudiciable » des clubs, souvent confrontés à des questions de trésorerie. Il reconnaît néanmoins les efforts entrepris pour professionnaliser la Ligue 1 et applaudit la réhabilitation d’infrastructures telles que le stade Alphonse-Massamba-Débat.
Selon lui, le nerf de la guerre reste la formation des entraîneurs et la détection précoce. « Un coach congolais a besoin de moyens, pas seulement financiers : data, matériel, psychologues sportifs », énumère-t-il, convaincu que l’État et le secteur privé peuvent conjuguer leurs forces.
Il se félicite par ailleurs de la création récente d’un championnat U17 supervisé par la Fédération, estimant que « la continuité des compétitions, même chez les mineurs, forge le caractère ». Pour lui, aligner les calendriers jeunes-seniors évite la fuite précoce vers l’étranger.
Projets et retour potentiel au pays
Après un passage remarqué en Guinée équatoriale jusqu’en 2022, le technicien prépare un programme d’académie mobile entre Brazzaville et Pointe-Noire. L’idée : accompagner les écoles de football en proposant des sessions itinérantes de perfectionnement technique, nutrition et leadership.
Il affirme avoir déjà présenté le concept à plusieurs décideurs sportifs et partenaires économiques. « Je ne demande pas la lune, juste un cadre structurant », insiste-t-il, rappelant que la diaspora possède une expertise capable de dynamiser les ambitions portées par les autorités et la Fécofoot.
Quant à un possible retour sur un banc congolais, la porte reste entrouverte. « Je répondrai si le projet est clair et durable », précise-t-il. Le coach avoue suivre de près les Diables Rouges U20, séduit par leur volume de jeu.
Message aux jeunes footballeurs
Aux jeunes, Pila recommande discipline et polyvalence : « Travaillez vos contrôles orientés comme vos devoirs de maths ». Il se réjouit aussi de l’essor du football féminin et du lancement de sections dames dans de nombreux clubs élites, preuve d’une modernisation.
Entre souvenirs de victoires et projets d’avenir, Jean-Paul Pila incarne une génération de techniciens prêts à partager leur expertise au service du développement sportif national. Son credo reste simple : investir dans l’humain pour que le Congo rayonne sur les pelouses africaines.
