Opération coup de poing contre le trafic faunique
Les tribunaux d’Owando et d’Impfondo examinent deux dossiers illustrant la volonté du gouvernement congolais de frapper fort contre la délinquance faunique. Les audiences des 15 et 16 octobre 2025 ont captivé l’attention des défenseurs de la biodiversité.
Les deux affaires résultent d’interceptions conjointes entre la gendarmerie, le Service des eaux et forêts et le Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage. Cette synergie traduit une stratégie gouvernementale misant sur la coordination pour neutraliser les réseaux illégaux.
Interrogé à Brazzaville, le directeur général de l’Économie forestière, Aurélien Mouembi, salue « une mobilisation exemplaire qui confirme l’engagement de l’État à protéger notre capital naturel et à faire respecter la loi ». Selon lui, les procédures rapides montrent que « la tolérance zéro n’est pas un slogan ».
Des saisies révélatrices à Owando
Le premier dossier remonte au 29 novembre 2024, jour où un individu a été interpellé dans une rue d’Owando avec trois pointes d’ivoire soigneusement emballées. Les enquêteurs estiment que ces défenses représentaient deux éléphanteaux abattus dans la région d’Etoumbi, voisine de la Cuvette-Ouest.
L’homme, présenté comme un commerçant occasionnel, aurait gardé les trophées durant plusieurs mois dans une maison familiale avant de chercher discrètement un acheteur. Selon le procès-verbal, il visait un prix global supérieur à 1,5 million de francs CFA, signe de la valeur persistante de l’ivoire brut.
Au tribunal d’Owando, le procureur a rappelé que l’éléphant de forêt est intégralement protégé, citant la loi 37-2008 et le décret d’application de 2018. Il a requis une peine exemplaire afin de « couper l’herbe sous le pied des intermédiaires qui alimentent les marchés internationaux ».
Impfondo confronte le trafic de peaux et d’écailles
À Impfondo, chef-lieu de la Likouala, c’est une femme de 34 ans qui comparaît pour avoir tenté d’écouler deux peaux de panthère, 12 kilogrammes d’écailles de pangolin géant et plusieurs centaines de griffes soigneusement triées. L’arrestation remonte au 25 août 2025 au port fluvial.
Les enquêteurs soupçonnent un réseau transfrontalier utilisant le fleuve Oubangui pour relier discrètement la RDC et le Cameroun. Les produits confisqués étaient destinés, selon le rapport d’enquête, à un intermédiaire basé à Douala, preuve des ramifications régionales du commerce d’espèces intégralement protégées.
Devant le tribunal, la prévenue a déclaré avoir agi « sous la pression d’un commanditaire ». Le juge président a ordonné une expertise vétérinaire sur les peaux et écailles pour confirmer les espèces, soulignant que « la rigueur technique garantit des décisions justes et dissuasives ».
Un arsenal juridique renforcé
Depuis 2008, le Congo-Brazzaville s’est doté d’une législation parmi les plus strictes d’Afrique centrale, punissant la détention ou la vente d’espèces protégées de peines pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement ferme et cinq millions de francs CFA d’amende.
Depuis 2019, plus de 120 condamnations ont été prononcées, selon le ministère de l’Économie forestière. L’Observatoire congolais de la biodiversité observe déjà un recul des abattages d’éléphants dans les aires protégées, preuve que la pression judiciaire commence à porter.
Pour Richard Donat, coordonnateur du P.A.L.F, « la coopération étroite avec les procureurs et la gendarmerie accélère les enquêtes et garantit des preuves solides ». Il estime que « chaque conviction enregistrée envoie un message clair aux trafiquants encore hésitants ».
Pourquoi la biodiversité congolaise reste prioritaire
Le bassin du Congo constitue la deuxième forêt tropicale du monde et abrite des populations d’éléphants de forêt, de panthères et de pangolins géants uniques. La disparition locale de ces espèces fragiliserait l’équilibre écologique, mais aussi les moyens de subsistance des communautés vivant de l’agroforesterie durable.
Les scientifiques rappellent que les grands mammifères aident à disséminer les graines et à stocker le carbone. Préserver la faune revient donc à maintenir un stock naturel de CO₂, atout majeur dans la lutte climatique où le Congo se positionne déjà comme champion reconnu.
Dans la Likouala et la Cuvette, plusieurs coopératives développent désormais l’écotourisme autour de la faune protégée. « Chaque éléphant vivant vaut bien plus qu’une pointe d’ivoire », affirme Antoine Mombey, guide à Mbomo, soulignant l’impact économique positif d’une conservation réussie.
Prochaines étapes judiciaires
Les deux tribunaux ont mis les dossiers en délibéré. À Owando, le verdict est attendu le 12 novembre, tandis qu’Impfondo rendra sa décision le 26 novembre. Les acteurs de la lutte anti-braconnage espèrent des peines fermes qui confirmeraient la jurisprudence sévère instaurée ces dernières années.
Pour les autorités, l’enjeu dépasse la répression. « Nous voulons responsabiliser la population et encourager les signalements rapides », explique le colonel Jean Dostin, commandant de la gendarmerie de la Cuvette. Des campagnes de sensibilisation seront menées dans les écoles et les marchés d’ici la fin de l’année.
La simultanéité des deux procès confirme l’évolution du Congo-Brazzaville vers une protection renforcée de son patrimoine naturel. En combinant répression, coopération régionale et initiatives locales, le pays veut prouver que sauvegarder la faune peut aller de pair avec un développement inclusif et durable.