Vers une doctrine congolaise de la résilience
Réunis du 8 au 10 juillet à Brazzaville sous l’égide du ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et de l’Action humanitaire, des hauts fonctionnaires, des partenaires techniques et des représentants de la société civile ont passé au crible la nouvelle stratégie nationale de relèvement post-catastrophe 2025-2030. Fruit d’une collaboration étroite avec le Programme des Nations unies pour le développement, le document répond à une préoccupation récurrente : transformer l’expérience douloureuse des inondations en un levier de changement structurel. « Il s’agit d’un instrument d’aide à la décision pour réaligner l’action publique autour des besoins réels des populations touchées », a rappelé Carine Ibatta, directrice de l’assistance humanitaire, soulignant que la démarche épouse les engagements du Cadre de Sendai et des Objectifs de développement durable.
Réparer sans reproduire : le pilier post-catastrophe
Premier axe de la feuille de route, le relèvement immédiat ambitionne de toucher au moins cent vingt mille ménages dont les habitations, les écoles ou les centres de santé ont été fragilisés. Au-delà de la simple remise en état, le principe du « Reconstruire en Mieux » impose l’emploi de matériaux résistants, l’intégration de l’énergie solaire dans les infrastructures et la restauration de pistes rurales pour fluidifier la chaîne d’approvisionnement. L’agriculture familiale, pilier de la sécurité alimentaire dans les plateaux et la cuvette congolaise, bénéficiera d’intrants adaptés aux sols gorgés d’eau, pendant que l’élevage, la pêche artisanale et le petit commerce seront relancés pour préserver le tissu économique local.
Prévenir pour préserver : l’anticipation au cœur de la stratégie
La deuxième composante répond à une conviction largement partagée par les experts : chaque franc investi avant la crise en épargne plusieurs après. D’ici à 2030, Brazzaville entend donc déployer un système d’alerte précoce multirisques capable de croiser données hydrométéorologiques, imagerie satellitaire et remontées communautaires. Les plans de contingence seront mis à jour annuellement, tandis que les écoles et hôpitaux définiront des protocoles d’évacuation standardisés. Un fonds national d’urgence, abondé par le budget de l’État et des partenaires, garantira la disponibilité de liquidités dans les quarante-huit heures suivant un sinistre. Selon un conseiller du PNUD, cette architecture financière « accélère l’intervention, réduit les pertes économiques et renforce la confiance des ménages dans l’action publique ».
Gouvernance et financement : orchestrer la réponse
La stratégie conforte l’autorité de la Plateforme nationale de réduction des risques de catastrophe comme organe de coordination intersectorielle, tout en précisant les responsabilités des collectivités territoriales. Cette clarification, longtemps réclamée par les organisations humanitaires, doit réduire les chevauchements de compétences observés lors des crues de 2020. Le gouvernement mise également sur un partenariat rénové avec le secteur privé, notamment pour l’assurance paramétrique agricole et la construction d’infrastructures critiques plus résilientes. Dans le même esprit, les banques sous-régionales sont sollicitées afin d’appuyer les lignes de crédit vertes dédiées à l’aménagement de bassins de rétention ou à la modernisation des systèmes d’adduction d’eau.
L’enjeu social : protéger les plus vulnérables
Consciente que toute catastrophe aggrave les inégalités existantes, la stratégie réserve une place centrale aux femmes cheffes de ménage, aux personnes vivant avec un handicap et aux populations autochtones. Des programmes de transfert monétaire conditionnel favoriseront la scolarisation des enfants dans les zones sinistrées, tandis que des cellules mobiles de soutien psychosocial circuleront dans les districts les plus reculés. La lutte contre les violences basées sur le genre, souvent exacerbées dans les camps provisoires, sera intégrée à chaque phase d’intervention. Pour la juriste Aline Mouanda, spécialiste du droit humanitaire, « l’approche choisie conjugue protection sociale et promotion de l’autonomie, condition indispensable d’une résilience inclusive ».
Un laboratoire régional de l’adaptation
Au-delà de ses frontières, le Congo entend capitaliser sur cet exercice pour nourrir la diplomatie climatique de l’Afrique centrale. La Mutualisation des données hydrologiques avec la RDC et le Gabon est déjà à l’étude, de même qu’un partage d’expérience avec le Rwanda sur les infrastructures scolaires parasismiques. En se positionnant comme un hub sous-régional de la gestion des risques, Brazzaville espère attirer des experts internationaux, dynamiser la recherche appliquée à l’Université Marien-Ngouabi et consolider sa réputation de pourvoyeur de solutions concertées.
Cap 2030 : conjuguer volontarisme politique et pragmatisme opérationnel
En dernière analyse, la stratégie 2025-2030 reflète la volonté des autorités congolaises de faire de la gestion des catastrophes un vecteur de modernisation. Elle articule réponse d’urgence, adaptation à long terme et diplomatie de la résilience, tout en s’inscrivant dans la trajectoire impulsée par le président Denis Sassou Nguesso en faveur du développement durable. Le succès dépendra de la constance budgétaire, de la formation continue des cadres locaux et de la pleine appropriation communautaire. Mais l’atelier de validation de Brazzaville a déjà livré un message clair : pour le Congo, rebondir ne suffit plus, il s’agit désormais de progresser.