Une stabilité chiffrée, une conjoncture mouvante
Le Bureau national des statistiques de Nairobi a confirmé le 30 juin que l’indice des prix à la consommation progresse de 3,8 % sur un an, reconduisant le taux observé en mai. Si la performance demeure inférieure au plafond de 5 % fixé par la Banque centrale du Kenya, elle dépasse néanmoins le niveau de 3,2 % relevé à la même période l’an passé, attestant d’un léger regain d’inflation qui ne saurait être occulté par la simple comparaison mensuelle.
L’essentiel de la dynamique réside dans l’inflation alimentaire, stabilisée à 2,9 % grâce à des récoltes céréalières jugées « confortables » par le ministère de l’Agriculture. La catégorie logement-énergie poursuit quant à elle un repli mesuré, bénéficiant de la détente des cours internationaux du pétrole depuis le second trimestre. En revanche, les services de transport et de communication épousent, plus discrètement, la trajectoire haussière des coûts logistiques mondiaux, empêchant toute décélération globale plus marquée.
Politiques monétaires et signaux prudents de la Banque centrale
Le maintien du taux directeur à 10 % par la Banque centrale au début du mois révèle une stratégie de prudence calibrée. « Nous voulons observer plusieurs lectures successives avant d’envisager un assouplissement », confiait récemment un conseiller de l’institution lors d’un échange informel avec des attachés économiques africains. En parallèle, le corridor de liquidité demeure resserré afin d’éviter tout emballement du crédit à la consommation à l’approche de la haute saison agricole, période traditionnellement plus gourmande en capitaux.
La position kenyane contraste avec celle de certains voisins de la Communauté d’Afrique de l’Est, plus enclins à réduire leur coût du crédit pour soutenir la relance. Nairobi préfère s’appuyer sur la solidité relative de son shilling, dont la volatilité reste contenue sous le seuil de 2 % depuis janvier, limitant ainsi les effets de second tour sur les prix des importations stratégiques.
Effets microéconomiques et perception sociale
Dans les couloirs feutrés du ministère du Trésor, l’on se satisfait d’un indice général situé dans la partie basse de la fourchette historique kenyane. Pourtant, au-delà de la moyenne nationale, la dispersion régionale demeure palpable. Les comtés semi-arides de l’Est enregistrent encore des hausses alimentaires proches de 6 %, conséquence d’une pluviométrie irrégulière. Dans les quartiers périphériques de Mombasa, commerçants et transporteurs interrogés évoquent une augmentation persistante du coût des pièces détachées importées, élément que l’indice global gomme partiellement.
La perception citoyenne reflète donc une inflation « à deux vitesses ». Les ménages urbains à revenu médian, davantage exposés aux dépenses de scolarité et de santé, jugent l’inflation plus élevée que ne le suggèrent les statistiques, tandis que les consommateurs ruraux, principaux bénéficiaires de l’accalmie sur les produits de première nécessité, expriment une satisfaction mesurée.
Le Kenya face aux dynamiques régionales et globales
Sur la scène diplomatique, la résilience kényane sert d’argument au gouvernement pour attirer davantage d’investissements directs étrangers. Les négociations en cours avec l’Union européenne en vue d’un accord de partenariat économique actualisé mettent en avant une inflation maîtrisée comme gage de stabilité macroéconomique. Interrogé en marge du Sommet africain de Kigali, un diplomate européen saluait « la discipline monétaire de Nairobi, rare dans la région ».
Reste que la trajectoire 2025 sera indissociable des aléas climatiques et de l’évolution du dollar. La perspective d’un durcissement monétaire américain pourrait renchérir le service de la dette extérieure kényane, limitant les marges budgétaires pour les subventions ciblées. À l’inverse, un renforcement de la coopération au sein de l’Initiative africaine sur la sécurité alimentaire pourrait prolonger la détente observée sur les marchés vivriers.
Dans ce ballet d’incertitudes, l’inflation stable à 3,8 % apparaît moins comme un objectif atteint que comme un jalon intermédiaire. Elle souligne l’équilibre précaire entre une conjoncture internationale encore heurtée et les réformes internes engagées depuis la promulgation, en mars dernier, de la nouvelle stratégie nationale de réduction du coût de la vie. La vigilance institutionnelle et la coordination régionale demeureront les principales clefs pour préserver, voire approfondir, cette relative sérénité des prix.