Rebond trimestriel des flux productifs
Les chiffres dévoilés par la Banque de réserve sud-africaine font état de 11,7 milliards de rands d’IDE au cours des trois premiers mois de 2025, soit 661,5 millions de dollars dans un contexte de rand volatil. Ce niveau, inédit depuis le deuxième trimestre 2024, vaut surtout par la rapidité du sursaut : le quatrième trimestre 2024 n’avait attiré que 7,5 milliards de rands. À Pretoria, le ministère des Finances salue « un signal de confiance adressé à l’économie réelle », même si la conjoncture reste assombrie par une croissance attendue sous les 1,5 % en 2025 (FMI).
Le rôle pivot des maisons mères non-résidentes
Selon la SARB, plus de 80 % des flux enregistrés proviennent d’augmentations de capital réalisées par des sociétés mères étrangères dans leurs filiales locales. Il ne s’agit donc pas d’investisseurs nouveaux, mais d’acteurs déjà enracinés, principalement dans les secteurs minier, agro-alimentaire et automobile. Un cadre du Trésor national reconnaît que « la manne d’IDE reste étroitement liée aux chaînes de valeur minières, dont l’Afrique du Sud demeure le laboratoire historique ». En d’autres termes, l’enthousiasme des groupes non-résidents tient autant à la nécessité de sécuriser la production qu’à une vraie foi dans la détente macroéconomique.
Sorties massives sur les marchés de portefeuille
La lecture globale des comptes extérieurs appelle la nuance. Toujours selon la banque centrale, les investissements de portefeuille passent d’entrées nettes de 33,4 milliards de rands au quatrième trimestre 2024 à des sorties nettes de 53,7 milliards. La vente accélérée de titres de capitaux propres sud-africains par des fonds globaux, aggravée par le remboursement d’une obligation internationale par une entreprise publique de transport, a provoqué cette inversion. Pour plusieurs gérants interrogés à Johannesburg, « les incertitudes énergétiques et la réforme agraire encore floue incitent à réduire l’exposition courte ». Le contraste entre IDE résilients et portefeuilles frileux souligne la divergence d’horizon entre investisseurs : la sphère productive regarde la décennie, les gérants d’actifs scrutent la séance.
Facteurs géopolitiques et diplomatie économique
Le rebond des IDE intervient dans un moment délicat pour la politique étrangère sud-africaine. Engagée dans les travaux du G20 sous présidence brésilienne et hôte attitrée des prochaines réunions ministérielles du BRICS+, Pretoria déploie une diplomatie économique active. L’accord-cadre signé en mars 2025 avec les Émirats arabes unis, portant sur la valorisation de la filière hydrogène vert, figure parmi les projets susceptibles de muter en flux financiers dès la seconde moitié de l’année. À Bruxelles, un diplomate européen estime que « la stabilité institutionnelle sud-africaine, malgré les tensions politiques internes, conserve un attrait rare sur le continent ». Ce capital réputationnel joue comme amortisseur dans un environnement financier mondial encore régulé par le cycle de resserrement monétaire américain.
Limites structurelles et risques domestiques
L’embellie du début 2025 ne saurait occulter les fragilités structurelles. Le Conseil sud-africain pour la recherche scientifique et industrielle rappelle que le déficit électrique cumulé a dépassé 1 500 heures de délestage en 2024, pesant sur la productivité manufacturière. Par ailleurs, la rigidité du marché du travail, conjuguée à un taux de chômage officiellement proche de 32 %, modère l’effet d’entraînement des IDE sur l’emploi local. La Commission des droits fonciers s’apprête, elle, à publier de nouvelles lignes directrices sur l’expropriation sans compensation ; elles pourraient raviver l’aversion au risque de certains investisseurs de portefeuille.
Perspectives à moyen terme pour Pretoria et ses partenaires
La SARB anticipe un flux net d’IDE supérieur à 40 milliards de rands pour l’ensemble de 2025, à condition que l’environnement international reste dépourvu de nouveaux chocs systémiques. De son côté, l’OCDE souligne que la ratification, en discussion, de l’Accord africain de libre-commerce numérique pourrait renforcer l’attrait du hub johannesbourgeois pour les services à haute valeur ajoutée. En définitive, le regain actuel traduit moins un tournant spectaculaire qu’une résilience prudente des acteurs déjà implantés. L’enjeu, pour les autorités sud-africaines, reste de convertir cette résilience en ancrage durable, capable d’atténuer la volatilité des capitaux de portefeuille et de soutenir la consolidation budgétaire. La séquence du premier trimestre 2025 offre un répit, non un relâchement.