Une impulsion présidentielle pour l’électrification nationale
Reçu au Palais du Peuple, l’administrateur délégué d’Eni, Claudio Descalzi, a confirmé au chef de l’État l’ouverture, deux jours auparavant, du vaste programme de réhabilitation de la ligne haute tension reliant le terminal pétrolier de Djeno à la capitale administrative. L’entretien, décrit par l’entourage présidentiel comme « cordial et prospectif », illustre la volonté de Denis Sassou Nguesso d’accélérer l’accès de la population à une énergie fiable tout en facilitant l’activité industrielle. La présidence rappelle que près de quarante pour cent de la capacité de transport entre le littoral et l’arrière-pays était auparavant soumise à des contraintes techniques récurrentes, limitant la montée en puissance de la centrale turbogaz de Djeno.
Eni au Congo : un demi-siècle de partenariat énergétique
Présente depuis 1968, la major italienne est devenue le deuxième producteur d’hydrocarbures du pays, mais également un interlocuteur privilégié pour des initiatives de transition. Des négociations de dix-huit mois ont précédé le démarrage des travaux électriques actuels, signe, selon un diplomate européen basé à Brazzaville, « d’une convergence de vues entre un investisseur de long terme et un État qui entend sécuriser sa souveraineté énergétique tout en attirant des capitaux de qualité ». La collaboration s’inscrit dans le sillage de la nouvelle loi sur l’électricité adoptée en 2019, qui conforte la place du secteur privé dans la modernisation des infrastructures de transport.
Réhabilitation stratégique de la dorsale Djeno-Pointe-Noire-Brazzaville
Le tracé de 535 kilomètres constitue la colonne vertébrale du réseau national. Les premières opérations portent sur le remplacement de 670 pylônes, l’augmentation de la capacité des conducteurs et l’installation de relais numériques destinés au contrôle en temps réel des flux. D’après les ingénieurs d’Eni, l’achèvement du chantier permettra de porter la puissance transférable à 450 MW, contre 250 MW aujourd’hui, réduisant de 30 % les pertes par effet Joule. La Société nationale d’électricité (SNE) table, pour sa part, sur une réduction sensible des coupures dans la capitale économique ainsi qu’une alimentation plus stable de zones industrielles émergentes comme Maloukou ou Kintélé.
Gaz, biocarburants et impératif de diversification
Au-delà du transport d’électrons, Claudio Descalzi a évoqué auprès du président congolais la montée en régime des projets gazier Marine XII et de l’unité de liquéfaction flottante, qui devraient, à terme, exporter 4,5 milliards de mètres cubes par an tout en réservant un quota substantiel au marché intérieur. Ce gaz domestique alimentera la centrale de Djeno et soutiendra le développement d’industries consommatrices comme le ciment ou la métallurgie. Parallèlement, la filière agricole bénéficiera d’une revalorisation grâce au centre de traitement de graines récemment inauguré dans la Bouenza. Celui-ci préfigure la production locale de biocarburants, destinée à réduire les importations de gasoil tout en créant des emplois ruraux, conformément aux orientations du Plan national de développement 2022-2026.
Convergences diplomatiques et perspectives régionales
Pour les analystes de la Communauté économique des États d’Afrique centrale, la modernisation de la dorsale congolaise renforce la viabilité du Projet d’interconnexion électrique Inga-Cabinda-Pointe-Noire, appelé à relier les réseaux de la RD Congo, de l’Angola et du Congo-Brazzaville. Brazzaville, qui accueille prochainement la Conférence des ministres de l’Énergie de la CEEAC, compte mettre en avant cette réalisation comme exemple de partenariat public-privé équilibré. Selon un conseiller technique du ministère congolais des Affaires étrangères, « l’amélioration de la distribution intérieure constitue un argument de poids pour attirer les financements verts et conforter le rôle du Congo dans la transition énergétique du bassin du Congo ».
À l’heure où les marchés mondiaux demeurent volatils, la stratégie conjointe d’Éni et de l’État congolais illustre une recherche d’alignement entre sécurité énergétique, impératifs climatiques et développement industriel. La mise sous tension progressive des nouvelles lignes, attendue dès le premier semestre 2025, sera un test de résilience institutionnelle autant qu’un signal de confiance adressé aux bailleurs. Dans cette perspective, les protagonistes du dossier s’accordent sur un point : la réussite du chantier conditionnera la capacité du Congo à transformer son potentiel énergétique en un levier concret de croissance inclusive et de rayonnement diplomatique.