Contexte national et diplomatique de l’inclusion économique
Dans la discrétion propre aux politiques publiques congolaises, l’inclusion des personnes vivant avec handicap s’est hissée ces dernières années au rang de priorité stratégique. Le plan national de développement 2022-2026 fait de la lutte contre l’extrême pauvreté un pilier transversal et rappelle que « nul ne doit rester en marge du progrès ». C’est dans cet esprit qu’a été lancé, à Brazzaville, un cycle de formation destiné à quarante citoyens porteurs de handicap, initiative qui réunit acteurs gouvernementaux, partenaires européens et société civile.
Financement croisé et diplomatie du développement
Le projet relève d’un montage financier soigneusement équilibré. L’Union européenne, via son Instrument de coopération au développement, et la Conférence épiscopale d’Italie apportent le gros du soutien budgétaire, tandis que le Trésor public congolais mobilise les facilités logistiques nécessaires à la conduite des sessions. « Nous sommes dans un modèle de co-construction qui associe argent européen et ancrage local », souligne un diplomate de la délégation de l’UE à Brazzaville. Cette articulation répond aux exigences de redevabilité des bailleurs tout en confortant l’image d’un Congo ouvert aux partenariats gagnant-gagnant.
Une ingénierie pédagogique au service du marché
Conçue par l’ONG italienne Comunità Sviluppo e Promozione (CPS) et le Groupement des intellectuels et ouvriers handicapés du Congo (Giohac), la formation déploie sept modules cohérents : management, gestion financière, marketing, technologies de l’information, prospection commerciale, leadership responsable et fiscalité simplifiée. La mise en œuvre est assurée par l’Agence nationale de valorisation des résultats de la recherche et de l’innovation (ANVRI), dont l’expertise est reconnue dans l’accompagnement des porteurs de projets. Chaque module alterne théorie, cas pratiques inspirés de l’économie congolaise et séances de mentorat individualisé. « L’objectif est de convertir les apprenants en entrepreneurs capables de lever des fonds, pas seulement en gestionnaires de micro-activités de subsistance », précise un formateur de l’ANVRI.
Effets attendus sur le tissu socio-économique
Les décideurs misent sur un impact à double détente. À court terme, la montée en compétences doit permettre aux bénéficiaires de créer ou de consolider des activités génératrices de revenus dans les services, le petit commerce ou l’agro-transformation urbaine. À moyen terme, l’initiative ambitionne de démontrer, par l’exemple, la viabilité économique de l’inclusion, dans une conjoncture marquée par les incertitudes des marchés pétroliers. La Banque mondiale estime que le coût de l’exclusion des personnes handicapées peut atteindre 2 % du PIB d’un pays émergent ; réduire cette perte potentielle équivaut donc à un gain macroéconomique tangible.
Synergies institutionnelles et diplomatie d’influence
En arrière-plan, le programme sert également de laboratoire pour l’État congolais, qui perfectionne sa capacité de coordination inter-ministérielle. Le ministère des Affaires sociales supervise la conformité technique, tandis que le ministère des Affaires étrangères valorise l’initiative dans les enceintes multilatérales, à commencer par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Cette diplomatie de l’exemple nourrit la stratégie d’influence régionale de Brazzaville, déjà remarquée sur les dossiers de conservation forestière. « En conjuguant leadership climatique et inclusion sociale, le Congo se positionne comme un interlocuteur complet », confie un chercheur du think tank sud-africain Institute for Security Studies.
Perspectives et défis de pérennisation
Si le modèle séduit, sa durabilité dépendra de deux leviers. Le premier est l’accès des nouveaux entrepreneurs au crédit, encore lacunaire malgré les efforts de la Banque postale du Congo et du Fonds d’appui à l’employabilité des jeunes. Le second est l’évolution des mentalités, car le plus ambitieux des business plans se heurte parfois au poids des représentations sociales. Sur ce terrain, les campagnes d’information menées depuis trois ans par la Direction générale des droits humains commencent toutefois à produire leurs effets, favorisant un changement graduel de paradigme.