Un calendrier serré sous l’œil vigilant des partenaires internationaux
Le 26 juin dernier, le palais Mohamed V a été le théâtre d’une remise solennelle, mais strictement cadrée, du projet de Constitution au président de la transition Mamadi Doumbouya. La scène, sans caméras ni micros, traduit la prudence d’un exécutif soucieux de maîtriser son image alors que le référendum est annoncé pour le 21 septembre 2025. Au regard des engagements pris devant la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest et l’Union africaine, chaque échéance est surveillée de près. La promesse initiale d’un retour à l’ordre constitutionnel avant fin 2024 ayant été reportée, le pouvoir doit désormais convaincre qu’il ne s’agit plus d’un horizon fuyant.
Un projet constitutionnel fruit d’une concertation à géométrie variable
Le Conseil national de la transition (CNT), composé de 80 membres, revendique près d’un an de consultations auprès des organisations syndicales, des communautés religieuses et de la diaspora. À l’issue de ce marathon, le texte maintient le septennat mais réintroduit la limitation à deux mandats présidentiels, supprimée lors du dernier révisionnisme constitutionnel du régime déchu. Pour Dansa Kourouma, président du CNT, « le document consacre la séparation des pouvoirs et consolide un nouvel équilibre institutionnel ». Plusieurs juristes saluent la volonté d’encadrer les pouvoirs d’exception mais regrettent l’absence d’un dispositif de contrôle constitutionnel en amont qui permettrait d’éteindre rapidement d’éventuelles dérives.
Le rôle moteur du CNT et la quête d’inclusivité sociopolitique
La force de persuasion du CNT reposera sur une campagne de vulgarisation annoncée comme nationale. Des comités civiques devraient parcourir les préfectures pour expliquer les nouveautés: parité renforcée dans les institutions, reconnaissance du rôle de la chefferie traditionnelle, et intégration d’un organe indépendant de gestion des élections. Les bailleurs de fonds voient dans cette pédagogie de proximité un test de bonne foi. Selon un diplomate ouest-africain en poste à Conakry, « l’appropriation populaire sera l’indicateur le plus fiable de la légitimité du texte ». La jeunesse, majoritaire dans un pays dont l’âge médian flirte avec 19 ans, observe ces annonces avec un mélange d’espoir et de prudence, consciente que le chômage, plus que la rédaction constitutionnelle, conditionnera son avenir immédiat.
Les réserves d’une opposition fragmentée face au processus référendaire
Plusieurs partis, dont l’Union des forces démocratiques de Guinée de Cellou Dalein Diallo, ont boycotté la cérémonie de remise et dénoncent une opération de communication. Leur grief principal demeure la composition du CNT, jugée trop favorable aux courants proches du Comité national de rassemblement et de développement (CNRD). Lansana Faya Millimouno estime pour sa part que le calendrier est « compressé à dessein afin de prendre de vitesse les forces politiques organisées ». Les marchés de Conakry bruissent de ces critiques, nourrissant une défiance diffuse. Pourtant, dans les mêmes quartiers, certains notables concèdent préférer l’option du référendum à la persistance d’un vide institutionnel prolongé. Cette ambivalence illustre la complexité d’une transition où l’aspiration démocratique coexiste avec la lassitude d’un pays confronté à l’instabilité chronique.
Entre attentes populaires et crédibilité institutionnelle, un pari mesuré
Le pari de la transition repose sur une articulation délicate : garantir la transparence du processus alors même que l’appareil d’État reste largement militaire dans son ADN. L’arrivée, en avril, des premiers kits d’enrôlement biométrique a constitué un signal positif pour les chancelleries, mais la logistique d’enregistrement des électeurs de la diaspora demeure imprécise. Les Nations unies rappellent régulièrement, dans leurs notes internes, la nécessité de sécuriser l’ensemble du processus, de la production des bulletins jusqu’à la proclamation des résultats. La moindre faille pourrait raviver les tensions communautaires qui, dans l’histoire récente de la Guinée, se superposent trop souvent aux clivages politiques.
À mesure que se rapproche l’échéance référendaire, le pouvoir de Conakry sait qu’il joue sa crédibilité sur deux fronts : en interne, en prouvant que l’armée n’entend pas confisquer le futur pouvoir civil ; à l’externe, en rassurant des investisseurs attentifs à la gouvernance du secteur minier, clef de voûte économique du pays. Le projet de Constitution, présenté comme le socle d’un contrat social rénové, ne sera jugé que sur sa capacité à être mis en œuvre sans exclusive. Dans les couloirs feutrés de l’Union africaine, l’on souligne déjà qu’un texte, fût-il consensuel, ne vaut que par la qualité des institutions qu’il fait naître. La transition guinéenne est donc entrée dans une phase où la rhétorique cède le pas aux actes, phase décisive dont l’issue posera les jalons de la stabilité régionale.