Mobilisation inédite pour la propreté de Brazzaville
Depuis le 21 octobre, les artères de Brazzaville connaissent une effervescence inhabituelle : uniformes bleus et treillis verts côtoient engins lourds et balais. Le groupement logistique des forces de sécurité intérieure pilote une opération de salubrité d’envergure.
Objectif affiché : donner un coup d’arrêt visible à l’insalubrité tout en impliquant police, gendarmerie et services techniques municipaux dans la protection du cadre de vie, priorité réaffirmée par les autorités locales et nationales.
Une première phase sur les axes Nord
Pour cette phase inaugurale, les équipes ont concentré leurs efforts du secteur de l’école Grand Fleuve jusqu’à Talangaï, traversant les quartiers Ouenzé et Mikalou où les amas d’ordures bloquaient parfois la circulation des piétons.
Les bulldozers ont nivelé les dépôts sauvages, tandis que les camions bennes évacuaient en continu les tonnes de détritus vers la décharge officielle de Mpila, réduisant le temps d’accumulation susceptible de générer des nuisances.
Les caniveaux obstrués ont été curés à la pelle manuelle puis au jet à haute pression afin de restaurer l’écoulement des eaux pluviales, préalable indispensable à la prévention des inondations récurrentes dans cette partie nord de la capitale.
Hygiène publique et santé, un lien réaffirmé
L’initiative répond à une préoccupation sanitaire majeure : selon la direction départementale de la santé, 60 % des cas de paludisme et de maladies diarrhéiques surviennent dans des zones où les déchets ménagers s’entassent près des habitations.
« Lorsque les ordures ferment les rigoles, les moustiques trouvent un biotope idéal », explique le docteur Davy Moundzika, chef de programme de lutte antipaludique, qui applaudit l’appui logistique des forces de sécurité.
Des données de la mairie de Brazzaville estiment à 800 m³ la quantité de déchets retirés en trois jours, volume qui, laissé sur place, aurait pu produire plusieurs milliers de larves en une semaine.
Une logistique militaire au service du civil
Le groupement logistique a mobilisé trois Caterpillar, cinq bulldozers, huit camions et une unité mobile d’entretien mécanique pour limiter les temps d’arrêt, un dispositif rarement employé hors opérations de sécurité routière.
Le colonel Jean-René Loukaka, directeur du groupement, rappelle que les forces de sécurité « remplissent aussi une mission de service public », conformément au décret organisant la réserve opérationnelle en temps de paix.
Les agents ont travaillé en tenue légère pour lever la barrière psychologique souvent associée aux uniformes et favoriser le dialogue avec les habitants invités à trier leurs déchets avant la collecte.
Réactions et appropriation citoyenne
Dans les rues de Mikalou, les commerçantes de marché ont offert de l’eau fraîche aux équipes, geste salué par les autorités comme « un signe d’adhésion communautaire ».
Certains habitants se sont spontanément joints à l’effort, remplissant des sacs plastiques fournis par la coordination, preuve que la communication porte, analyse le sociologue Urbain Moukoumi.
Cependant, plusieurs riverains rappellent que la propreté ne se décrète pas ; ils demandent un renforcement de la collecte régulière pour éviter que les points nettoyés redeviennent des dépotoirs dès la fin de l’opération.
Sensibilisation et cadre légal
En marge des travaux, les brigades de proximité ont distribué des flyers rappelant les amendes prévues par le code d’hygiène urbaine pour dépôt d’ordures sur la voie publique, pouvant atteindre 10 000 FCFA.
La mairie envisage d’installer des conteneurs à déchets dans dix quartiers pilotes d’ici fin décembre afin d’offrir une alternative crédible au dépôt sauvage aujourd’hui dominant.
Pour le commissaire divisionnaire Raymond Oba, porte-parole de la police, « combattre l’insalubrité, c’est aussi renforcer la sécurité : les tas d’ordures servent souvent de cachette aux délinquants nocturnes ».
Vers un plan de salubrité pérenne
Les initiateurs annoncent l’extension de l’opération à Poto-Poto et Bacongo dès la semaine prochaine, avant une généralisation aux soixante-huit quartiers de la capitale au premier trimestre 2024.
Un comité inter-services doit finaliser le schéma directeur de la gestion des déchets, document qui définira la fréquence de collecte, la cartographie des bacs enterrés et le mode de financement participatif.
Le ministère de l’Intérieur étudie déjà un projet de brigade verte permanente composée de jeunes volontaires rémunérés, soutenus par les forces de sécurité pour les volets formation et supervision.
Impacts attendus sur l’économie locale
Une ville plus propre favorise l’attractivité touristique et réduit les coûts de maintenance des voiries, rappelle la Chambre de commerce qui chiffre à 1,2 milliard FCFA les pertes liées à l’enlèvement tardif des ordures en 2022.
Les transporteurs interrogés anticipent une baisse des pannes mécaniques causées par les déchets métalliques jonchant la chaussée, tandis que les restaurateurs y voient un argument de qualité pour séduire la clientèle de passage.
La propreté, affaire de tous
À l’issue des travaux, le préfet de Brazzaville, Hugues-Ngouolondélé, a rappelé que « l’État peut impulser, mais seul le civisme garantira la durabilité du résultat », invitant associations, écoles et entreprises à organiser des journées citoyennes mensuelles.
La première opération vient donc poser les bases d’une alliance durable entre forces de sécurité, services municipaux et citoyens pour transformer Brazzaville en ville vitrine, à la veille des grands rendez-vous sportifs et culturels annoncés pour 2024.
