Un engagement britannique d’envergure dans la transition égyptienne
En annonçant le 1ᵉʳ juillet un soutien financier excédant 300 millions de dollars, British International Investment (BII) a confirmé la place de l’Égypte parmi les destinations privilégiées de sa stratégie climatique en Afrique du Nord. L’institution, bras financier du Royaume-Uni pour le développement, nourrit ainsi un partenariat que Le Caire qualifie de « pilier de sa Vision 2030 », orientée vers une croissance bas carbone. Les responsables de BII rappellent que leurs engagements cumulés dans le pays dépassent désormais 700 millions de dollars, chiffre qui fait de l’Égypte le premier bénéficiaire de la banque sur le continent.
Cette offensive d’investissement se déploie dans un contexte où Londres cherche à traduire, en actes concrets, ses promesses de financement climatique formulées lors de la COP26. La diplomatie économique britannique, soucieuse de préserver la crédibilité d’un soft power axé sur la finance verte, trouve en Égypte un partenaire institutionnel apte à structurer des projets de grande échelle et à sécuriser les risques grâce à l’initiative nationale NWFE (Nuance, Eau, Food, Énergie).
La promesse de l’éolien XXL du Golfe de Suez
Pièce maîtresse de la nouvelle salve d’annonces, le parc de 1,1 gigawatt qui s’élèvera dans le golfe de Suez ambitionne d’être le plus vaste parc éolien terrestre d’Afrique. Porté par un consortium réunissant Engie, Orascom Construction et Japan’s Toyota Tsusho, il mobilise 1,2 milliard de dollars, dont 190 millions apportés par BII au sein d’un financement syndiqué regroupant la Banque africaine de développement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la DEG et le Fonds arabe pour l’énergie.
Selon les projections officielles, l’infrastructure injectera annuellement 4 500 GWh sur le réseau national, soit l’équivalent de la consommation de près d’un million de foyers égyptiens. Les autorités estiment à 2,5 millions de tonnes les émissions de CO₂ évitées chaque année, un argument récurrent dans le discours du ministre de l’Électricité, Mohamed Shaker, lorsqu’il évoque « l’empreinte carbone maîtrisée » de la nouvelle Égypte énergétique.
Outre son impact environnemental, le projet offre une impulsion socio-économique notable : plus de 10 000 emplois directs et indirects devraient voir le jour entre la phase de construction et l’exploitation, fournissant un vivier de compétences locales en mécanique, électronique de puissance et maintenance prédictive.
Coupler soleil et batteries : un précédent stratégique au Moyen-Orient
Le second volet du portefeuille concerne l’installation simultanée de 1,1 GW de capacité solaire photovoltaïque et de 200 MWh de stockage par batteries, première réalisation de cette nature en Égypte. Codéveloppé avec le producteur norvégien Scatec, le projet s’appuie sur un montage financier de 479 millions de dollars, dans lequel BII injecte un prêt concessionnel de 100 millions et octroie une subvention de 15 millions destinée à abaisser le coût des batteries.
L’enjeu dépasse la seule production d’électricité diurne : le couplage à un système BESS permet de lisser l’intermittence solaire et de sécuriser l’alimentation en soirée, une priorité pour un réseau où la pointe de consommation se situe après le coucher du soleil. Les partenaires multilatéraux, notamment la BAD et la BERD, considèrent cette configuration comme un laboratoire pour d’autres marchés africains, soucieux de concilier expansion photovoltaïque et stabilité des réseaux.
Implications pour l’économie verte et la diplomatie climatique régionale
À travers cette opération, Londres consolide une influence qui s’exerce désormais autant par les lignes de crédit que par le transfert d’expertise technologique. Les ingénieries contractées par BII instaurent des standards de gouvernance environnementale, sociale et de gestion, conformes aux attentes européennes en matière de taxonomie verte. Elles légitiment également l’Égypte dans ses ambitions de hub énergétique pour l’hydrogène vert, un segment que BII soutient déjà au Maroc.
Pour Le Caire, ces partenariats attestent de la capacité du pays à attirer des capitaux privés dans un contexte macroéconomique tendu. Le ministre des Finances, Mohamed Maait, insiste sur la compatibilité entre discipline budgétaire et investissements verts, arguant que « la transition énergétique peut devenir un moteur d’équilibre des comptes courants ». Les bailleurs multilatéraux saluent pour leur part la visibilité réglementaire accordée aux producteurs indépendants d’électricité, jugée déterminante pour abaisser le coût du capital.
Leçons et perspectives pour les partenaires africains
L’Égypte démontre qu’une articulation efficace entre volonté politique, ingénierie financière et partenariats public-privé peut catalyser des mégaprojets renouvelables à l’échelle continentale. Le modèle de syndication adopté — mélange de prêts concessionnels, d’instruments à prix de marché et de subventions ciblées — offre un gabarit réplicable pour les États cherchant à limiter la charge sur leur dette souveraine.
Au-delà de la technologie, l’initiative souligne l’importance d’un cadre réglementaire prévisible et d’objectifs climatiques chiffrés, deux paramètres scrutés par les investisseurs institutionnels. À l’heure où plusieurs pays d’Afrique centrale, Congo-Brazzaville compris, ambitionnent d’élargir leur bouquet énergétique, l’expérience égyptienne pourrait servir de boussole, sans qu’elle n’éclipse les spécificités nationales en matière de mix et de gouvernance. Le rendez-vous de la COP 28 à Dubaï offrira une tribune supplémentaire pour évaluer la diffusion de ce modèle et, peut-être, annoncer de nouvelles déclinaisons régionales.