Pointe-Noire au rythme d’un séminaire littéraire
Le musée Cercle africain de Pointe-Noire a récemment servi d’agora intellectuelle pour accueillir un séminaire consacré aux trois dernières publications de Bernard Moussoki, figure émergente de la scène littéraire congolaise. Organisée sous l’égide du café Prud’homme, la rencontre a réuni critiques, universitaires, diplomates de passage et un public curieux, conférant à l’événement une portée qui dépasse la simple célébration bibliophile. L’atmosphère, tour à tour studieuse et fervente, a rappelé que la littérature demeure un vecteur essentiel de dialogue social et d’influence douce dans la capitale économique du Congo.
Trois volumes pour sonder la Parole
L’auteur, ancien haut fonctionnaire passé maître dans l’art de l’exégèse, propose avec « Dieu nous parle » un diptyque visant à renouveler la méditation chrétienne. Le premier tome, placé sous le sceau de la Trinité, invite le lecteur à une approche rénovée de la relation verticale qui le lie au divin. Bernard Moussoki confie rechercher « une communion active, presque diplomatique, entre l’humain et la transcendance », formule qui a suscité l’intérêt de la salle. Le second tome, quant à lui, se veut une cartographie spirituelle des cent cinquante psaumes, chaque chant recevant un commentaire linguistique et théologique propre à éclairer la genèse de son message.
Psaumes décryptés, horizon ecclésial
Sous la houlette des critiques Arnaud Mitamona et Olive Makosso, l’analyse a mis en lumière la tension féconde entre tradition et modernité. Selon Arnaud Mitamona, « le patient décryptage des psaumes devient un acte de service public littéraire », capable d’offrir au croyant un outillage intellectuel pour mieux habiter l’espace sacré. Les échanges ont souligné la valeur didactique de l’ouvrage, susceptible d’alimenter les programmes de formation théologique aussi bien dans les séminaires catholiques que dans les instituts protestants de la sous-région. En filigrane, c’est la dimension transnationale du texte qui a été saluée, le commentaire biblique congolais gagnant ses galons sur le marché éditorial francophone.
Le mariage comme espace diplomatique domestique
Avec « Le devoir de s’asseoir – Construire l’unité du couple », Bernard Moussoki transpose sa fibre conciliatrice au terrain sensible de la conjugalité. Conseiller familial de longue date, il développe l’idée que le foyer constitue la première enceinte diplomatique, lieu où se négocient quotidiennement intérêts et visions du monde. Pour Clalixte Mikala Moutsinga, la métaphore matrimoniale se révèle particulièrement féconde dans un contexte sociétal marqué par la pluralité des modèles familiaux. L’auteur plaide pour une harmonie bâtie sur le dialogue, la réconciliation et la dignité partagée, autant de principes qui résonnent avec la doctrine congolaise de la paix sociale.
Trajectoire d’un douanier devenu exégète
Né en 1953, Bernard Moussoki a d’abord arpenté les allées de l’économie avant de rejoindre l’École normale d’administration et de magistrature de Brazzaville, où il fut formé au contrôle douanier. Fort de cette carrière dans les rouages étatiques, il a acquis une connaissance fine de la circulation des biens et des idées, perspective qu’il transpose désormais à la circulation des textes sacrés. Son engagement pastoral, soutenu par la Ligue pour la lecture de la Bible, lui a permis de conjuguer rigueur administrative et sens de la pastorale. Ce double ancrage nourrit une prose où s’entend la cadence de l’argumentaire juridique autant que la pulsation méditative.
Résonances géopolitiques et soft power culturel
Au-delà de leur portée spirituelle, les publications de Bernard Moussoki s’inscrivent dans une stratégie de rayonnement intellectuel qui conforte la diplomatie culturelle congolaise. En soutenant des initiatives littéraires de cette nature, les autorités locales accompagnent la diversification de l’image internationale du pays, longtemps circonscrite à ses ressources énergétiques. Les ouvrages, diffusés par une maison d’édition européenne, témoignent d’une capacité à exporter une pensée autochtone articulée, susceptible de dialoguer avec des publics francophones éloignés. Yvon Wilfrid Lewa-Let Mandah a ainsi salué « une contribution décisive à la vitalité du livre congolais », rappelant que le verbe demeure un levier stratégique dans les relations interétatiques contemporaines.
Entre héritage biblique et modernité congolaise
La clôture du séminaire a donné lieu à un échange spontané entre l’auteur et les jeunes universitaires présents, signe que la relève intellectuelle s’empare déjà des pistes proposées. Dans un contexte régional où la culture joue un rôle croissant d’interface diplomatique, l’œuvre de Bernard Moussoki illustre la manière dont la foi, la famille et la recherche académique peuvent s’entrelacer pour produire un discours de concorde. En offrant, à travers ses trois ouvrages, un triptyque dédié respectivement à la théologie trinitaire, au psautier et à la conjugalité, l’écrivain engage une conversation continue entre passé scripturaire et défis contemporains. Son approche, à la fois pédagogique et inclusive, confirme la place centrale de la littérature dans la construction d’un imaginaire national équilibré, à l’écoute de la complexité globale.