Annoncer la manne, jauger l’équilibre régional
En approuvant le 30 juin la première revue du programme triennal de la République démocratique du Congo, le Conseil d’administration du Fonds monétaire international a offert à Kinshasa une bouffée d’oxygène équivalant à 266,7 millions de dollars. L’enveloppe, inscrite dans la Facilité élargie de crédit, s’ajoute aux 1,5 milliard déjà prévus sur trois ans et conforte le pays dans sa trajectoire de redressement budgétaire. Si la capitale congolaise a salué « une reconnaissance des réformes en cours », selon le ministre des Finances Nicolas Kazadi, les capitales voisines suivent de près l’impact potentiel de ce flux de liquidités sur les équilibres économiques et monétaires de la sous-région.
Les dessous financiers d’une Facilité élargie de crédit exigeante
Le décaissement repose sur la réalisation de critères de performance stricts : réduction du déficit primaire hors dons, meilleure mobilisation des recettes intérieures et maîtrise de la masse salariale. « Cette décision confirme les progrès réalisés par Kinshasa dans la stabilisation budgétaire », a déclaré Abebe Aemro Selassie, directeur du Département Afrique du FMI. Les fonds arrivent à un moment où l’inflation congolais, portée par la poussée des cours alimentaires et énergétiques importés, flirte avec les deux chiffres. Le Trésor congolais espère ainsi éponger partiellement la dette intérieure et soutenir une politique monétaire plus prévisible.
Réformes structurelles : transparence et diversification à l’épreuve
Le FMI insiste sur la transparence des chaînes de valeur extractives, pierre angulaire d’une économie trop longtemps tributaire du cuivre et du cobalt. Les autorités se sont engagées à publier les contrats miniers dans leur intégralité et à renforcer la traçabilité des recettes. En parallèle, la Commission de régulation des marchés publics doit accélérer la numérisation des appels d’offres afin de limiter les fuites. La diversification, notamment vers l’agro-industrie, est identifiée comme un rempart durable contre la volatilité des cours miniers. Cette stratégie, louée par la CNUCED, intéresse Brazzaville, soucieuse elle aussi de réduire la dépendance aux hydrocarbures sans heurter l’équilibre social.
Diplomatie de voisinage : Brazzaville, garant silencieux de la stabilité
À quelques centaines de kilomètres de Kinshasa, le Congo-Brazzaville observe avec pragmatisme. Sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, la diplomatie congolaise plaide depuis plusieurs années pour une approche concertée de la soutenabilité de la dette dans la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. Brazzaville, dont les finances ont gagné en discipline depuis l’accord conclu avec le FMI en 2019, perçoit dans l’assainissement budgétaire voisin un facteur de stabilité monétaire et sécuritaire. Les échanges réguliers entre les ministres des Finances des deux rives du fleuve illustrent cette coordination discrète mais réelle.
Effets macroéconomiques attendus sur la zone CEMAC et au-delà
La manne financière versée à la RDC alimente le débat sur les mouvements de capitaux dans une région encore fragmentée du point de vue monétaire. En l’absence d’un régime de change commun avec la CEMAC, l’entrée de devises à Kinshasa pourrait, selon les analystes de la Banque africaine de développement, exercer une pression appréciative sur le franc congolais et favoriser des arbitrages commerciaux transfrontaliers. Pour Brazzaville, l’enjeu consiste à préserver la compétitivité de ses exportations hors pétrole tout en profitant de l’augmentation de la demande congolaise pour les services logistiques du port de Pointe-Noire, déjà hub maritime naturel des provinces minières du Katanga.
Horizons macroéconomiques partagés et signaux au marché
À court terme, les investisseurs scrutent la capacité de la RDC à transformer l’appui du FMI en projets tangibles, notamment dans les infrastructures énergétiques, condition majeure pour réduire le coût des affaires et renforcer l’intégration régionale. À moyen terme, la crédibilité budgétaire renforcée de Kinshasa pourrait entraîner une baisse de la prime de risque souveraine, ouvrant la voie à des émissions obligataires régionales. Brazzaville, déjà bénéficiaire de l’amélioration des notations sur sa propre dette, pourrait tirer parti de cette dynamique en étoffant les instruments financiers communs, une perspective régulièrement évoquée lors des réunions régionales du Fonds monétaire africain en gestation.