La gouvernance extractive, un enjeu stratégique
Dans l’effervescence discrète des salons ministériels de Brazzaville, la deuxième réunion annuelle du Comité exécutif de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives a consacré la priorité accordée par le gouvernement à la reddition de comptes. Sous l’autorité de Christian Yoka, ministre des Finances, la séance a réuni les titulaires de portefeuilles clés – Économie forestière, Environnement – ainsi qu’une délégation pluraliste d’opérateurs et d’ONG. À l’horizon, la publication du rapport ITIE 2024, attendue avant la fin 2025, servira de banc d’essai pour la prochaine évaluation internationale du dossier congolais.
Depuis que Brazzaville a adhéré aux principes ITIE, la diplomatie congolaise a fait de la transparence un atout dans ses négociations avec les partenaires techniques et financiers. « Notre feuille de route n’est pas seulement normative, elle est un outil d’attractivité », observe un conseiller économique étranger accrédité auprès du gouvernement. Les réformes fiscales engagées depuis 2022 ont renforcé le contrôle des flux de revenus, tandis que la numérisation des déclarations douanières promet, à moyen terme, une traçabilité accrue des exportations pétrolières et minières.
Les avancées réalisées depuis la dernière revue
Le précédent cycle de validation, clos en 2022, avait salué la coopération interministérielle et la qualité des données publiées, tout en recommandant une consolidation des audits indépendants. La session de juillet 2025 a mis en lumière des progrès notables : publication semestrielle des paiements des compagnies pétrolières, harmonisation des nomenclatures fiscales et déploiement d’une plateforme de consultation publique hébergée par le Trésor. Selon les chiffres préliminaires, 92 % des recettes issues des hydrocarbures ont été rapprochées des déclarations d’entreprises, contre 78 % deux ans plus tôt.
Ces résultats traduisent, pour les acteurs de la société civile, un basculement d’une culture de l’obligation à une culture de la performance. « L’administration prend désormais l’initiative de partager l’information avant d’y être contrainte », souligne un représentant d’ONG présent à la réunion. Une dynamique que le ministère des Finances entend consolider par des ateliers régionaux destinés aux collectivités locales afin de mieux articuler recettes nationales et retombées territoriales.
Les défis structurels au cœur du calendrier de validation
Malgré ces avancées, le secrétaire permanent de l’ITIE Congo, Florent Michel Okoko, n’a pas éludé les écueils. Il subsiste des dysfonctionnements au sein de certaines commissions techniques, qui ralentissent la remontée de données issues des concessions minières de la cuvette centrale. L’enjeu est d’autant plus aigu que la norme ITIE version 2023 impose désormais un reporting social et environnemental détaillé, incluant la divulgation des contrats et des bénéficiaires effectifs.
Le défi logistique se double d’un impératif diplomatique : maintenir la confiance des investisseurs sans exposer des informations jugées sensibles pour la souveraineté économique. Brazzaville cherche donc un juste milieu, inspiré des pratiques de pays comparables en Afrique centrale, afin d’articuler transparence et compétitivité. Le ministre Yoka l’a rappelé lors de la séance : « Il s’agit d’aller vers plus de clarté sans compromettre nos objectifs de développement. »
Un horizon diplomatique pour la démarche congolaise
La préparation du rapport ITIE 2024 s’inscrit dans une conjoncture régionale marquée par la transition énergétique mondiale et la concurrence accrue entre États producteurs. Le Congo mise sur son engagement à la transparence pour diversifier ses partenariats au-delà des traditionnels bailleurs multilatéraux. Déjà, plusieurs banques de développement ont conditionné de futures lignes de crédit à la réussite de la validation ITIE 2025, voyant dans cet exercice un baromètre de stabilité réglementaire.
D’un point de vue interne, le rapport à venir devrait clarifier la contribution des forêts à l’économie nationale, un thème jugé stratégique dans le cadre du marché carbone émergent. Pour l’heure, les experts conviés préconisent l’intégration d’indicateurs de valeur ajoutée locale afin de rendre plus visibles les retombées pour les communautés riveraines. Autrement dit, la transparence ne se limite plus à un tableau de chiffres ; elle devient la trame d’un récit national où la gestion durable des ressources sert de vecteur de diplomatie économique et de cohésion sociale.
À mesure que s’approche l’échéance de validation, la confiance affichée par le Comité exécutif repose sur une conviction : la démonstration, chiffres à l’appui, qu’une gouvernance extractive exigeante peut rimer avec stabilité politique. Forte de cette certitude, Brazzaville avance, sûre que la lumière projetée par l’ITIE ne sera pas un projecteur inquisitorial, mais le phare guidant un développement responsable et solidaire.