Le Fespam 2025, instrument confirmé de soft power africain
À Brazzaville, les lampions du Festival panafricain de musique se sont éteints le 26 juillet dans une effervescence qui a surpris jusqu’aux observateurs les plus avertis. Placée sous le haut patronage du président Denis Sassou Nguesso, la 12e édition du Fespam a conjugué célébration artistique et démonstration de soft power. Présents aux cérémonies d’ouverture et de clôture, plusieurs chefs de mission diplomatique ont salué « une organisation qui inscrit le Congo dans le concert des grandes plateformes culturelles du continent », selon les termes d’un ambassadeur accrédité à Brazzaville.
Au-delà des railleries : la gestion d’un contexte budgétaire contraint
Les critiques formulées avant le festival, souvent résumées par l’expression « railleries d’esprits chagrins » reprise par Isidore Mvouba à l’Assemblée nationale, pointaient essentiellement la conjoncture financière. Or, les faits donnent à présent un éclairage différent : la mobilisation de partenaires internationaux comme l’Unesco et la Banque africaine de développement, la mutualisation logistique entre ministères culturels d’Afrique centrale et l’ingénierie événementielle locale ont permis de contenir les coûts tout en garantissant la qualité des spectacles. Cette gouvernance partenariale illustre une méthode de pilotage public-privé que de nombreux États de la région observent avec intérêt.
Rumba congolaise et mémoire collective, un levier d’unité nationale
Inscrite depuis 2021 au patrimoine immatériel de l’Humanité, la rumba congolaise s’est avérée être plus qu’une trame musicale. Tout au long de la semaine, le Palais des congrès a résonné d’hommages à « cet outil d’émancipation, de résistance et de transformation sociale », pour reprendre les mots du président de l’Assemblée nationale. Le documentaire « Les héroïnes de la rumba », projeté en marge du festival, a rappelé le rôle des femmes dans la diffusion de ce genre musical de part et d’autre du fleuve Congo. En filigrane, le gouvernement a ainsi réaffirmé son engagement en faveur d’une politique culturelle inclusive, susceptible de renforcer la cohésion nationale.
L’industrie culturelle, pilier émergent de diversification économique
Le symposium tenu à l’hôtel Radisson a réuni économistes et patrons de labels pour chiffrer le potentiel de la musique africaine : 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires prévu à l’horizon 2030, selon une étude présentée par la CEA. Dans cette perspective, la création par le président Sassou Nguesso d’un ministère dédié à l’industrie culturelle est perçue comme un signal stratégique. Les délégations venues d’Afrique australe ont plaidé pour un fonds de co-production, tandis que les start-up congolaises ont dévoilé des solutions de billetterie numérique hébergées localement. Tous ont souligné que la formalisation de la filière pouvait constituer un relais de croissance non extractif, en cohérence avec les objectifs de diversification économique du Plan national de développement.
Horizons panafricains : Brazzaville, carrefour d’un renouveau artistique
À l’heure où l’Union africaine redéfinit ses priorités, le succès du Fespam fournit un terrain d’expérimentation concret pour le panafricanisme culturel. Les délégations du Ghana, du Rwanda et du Cap-Vert ont déjà proposé une circulation plus fluide des artistes et des œuvres, dans l’esprit de la Zone de libre-échange continentale. En consacrant la capitale congolaise comme carrefour musical, l’édition 2025 envoie un message clair : les arts peuvent être, avec l’appui politique adéquat, un vecteur d’intégration et d’influence régionale. À l’issue de la cérémonie de clôture, la ferveur populaire – ces jeunes tentant spontanément d’approcher le chef de l’État – rappelait combien la culture demeure un ciment dont les résonances dépassent la simple festivité.
Enjeux diplomatiques et perspectives post-festival
De Washington à Beijing, les diplomates suivent avec intérêt l’empreinte culturelle du Congo-Brazzaville. La récente invitation adressée à Brazzaville pour rejoindre le Réseau des villes créatives de l’Unesco témoigne d’un crédit accru. À court terme, l’enjeu sera de convertir l’élan du Fespam en coopérations durables : résidences d’artistes, programmes de formation et mécanismes de soutien à l’exportation musicale. Comme le notait un expert de l’IFRI, « la constance d’un projet politique en faveur de la culture est la meilleure réponse aux réserves exprimées avant le festival ». Dans ce registre, l’édition 2025 marque une étape supplémentaire vers la consolidation de la diplomatie culturelle congolaise, fidèle à la vision portée par le président Denis Sassou Nguesso.