Trentième printemps d’un forum panafricain en mutation
Institué en 1993 par l’Organisation de l’unité africaine, le Festival panafricain de musique s’est imposé comme un rendez-vous cardinal de la diplomatie culturelle du continent. Trois décennies plus tard, Brazzaville s’apprête à accueillir, du 19 au 26 juillet 2025, la douzième édition de cette fête sonore qui rallie artistes, chercheurs et décideurs autour d’un même tempo.
Le thème retenu, « Musique et enjeux économiques en Afrique, à l’ère du numérique », signale une volonté de conjuguer héritage et modernité. Si, par le passé, l’ouverture mobilisait la vaste enceinte d’un stade, le millésime 2025 s’installera au Palais des congrès, symbole d’une ambition intacte mais ajustée.
Réalisme budgétaire et responsabilité publique
Le choix d’un format resserré n’est pas le fruit du hasard mais celui d’une gestion responsable dans un environnement économique mondial mouvant. La ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs, Marie-France Hélène Lydie Pongault, a confirmé la tenue de l’événement tout en soulignant la nécessité d’« adosser la célébration à des paramètres financiers soutenables » (déclare la ministre). En limitant le nombre de festivaliers et en rationalisant les infrastructures, les autorités entendent préserver l’essence du Fespam sans grever les équilibres macroéconomiques.
Cette stratégie de maîtrise des coûts s’inscrit dans un mouvement plus large d’optimisation des finances publiques voulu par le gouvernement, lequel privilégie désormais la pérennité des initiatives culturelles à leur simple grandeur scénique.
Le numérique, nouveau diapason des industries musicales
Le virage digital constitue la clef de voûte du programme scientifique et professionnel. Tables rondes sur la monétisation du streaming, ateliers de production assistée par ordinateur et master-classes sur la blockchain musicale dessinent un horizon où technologie et création dialoguent. Les responsables du commissariat général misent sur ces échanges pour renforcer l’autonomie économique des artistes africains face aux plateformes globales.
En filigrane, Brazzaville ambitionne de devenir un hub continental pour les industries culturelles et créatives, offrant aux start-up congolaises un tremplin vers les marchés régionaux et internationaux.
Une chorégraphie-hommage de 211 artistes en direct
Au Cercle culturel Sony Labou Tansi, le chorégraphe franco-congolais Gervais Tomadiatunga a pris la direction d’une fresque vivante réunissant 211 danseurs, batteurs et musiciens. Mêlant danses folkloriques, chants traditionnels et rythmes urbains, la pièce inaugurale — quarante minutes d’intensité — sera retransmise en direct depuis le Palais des congrès.
« Il y a un mélange entre musique et danse du Congo et d’ailleurs… C’est un spectacle qui sera inoubliable », assure l’artiste. La ministre, venue assister aux répétitions, s’est dite « confiante et satisfaite » du résultat, dissipant par la même occasion les rumeurs d’une annulation.
Diplomatie culturelle et rayonnement de Brazzaville
Au-delà de la dimension festive, le Fespam demeure un outil de soft power pour le Congo-Brazzaville, catalysant le dialogue interculturel et la coopération sud-sud. La présence annoncée de délégations de l’Union africaine, d’ambassadeurs accrédités et d’acteurs de la diaspora témoigne de la portée stratégique de l’événement.
Le festival alimente également l’attractivité touristique de la capitale. Hôtels, restaurants et opérateurs de transport se préparent à accueillir un public diversifié, tandis que les artisans locaux espèrent tirer profit de l’exposition d’instruments traditionnels et d’objets d’art prévue en marge des concerts.
Vers 2025 : attentes des partenaires et de la diaspora
À quelques mois de l’ouverture, le détail de la programmation complète n’a pas encore été rendu public, stimulando la curiosité des partenaires internationaux. Les négociations engagées avec plusieurs sponsors privés laissent entrevoir des synergies inédites entre secteur public et entreprises technologiques africaines.
Pour la diaspora, le Fespam représente une occasion de renouer avec les racines tout en projetant une Afrique créative dans la mondialisation. L’édition 2025, fusion d’éclat artistique et de prudence budgétaire, pourrait bien ouvrir un nouveau chapitre où la célébration culturelle s’accompagnera d’opportunités économiques tangibles, au service de la jeunesse et du rayonnement continental.