Le 31 juillet, creuset discret de la solidarité panafricaine
Instituée en 1974 lorsque la Conférence des femmes africaines devint Organisation panafricaine des femmes, la Journée internationale de la femme africaine ne se résume pas à une célébration symbolique. Elle rappelle une architecture de solidarité forgée dès 1962, avant même la naissance de l’Organisation de l’unité africaine. À Dar es-Salaam, militantes et délégations issues de seize pays jetèrent les bases d’une diplomatie féminine en prise directe avec les luttes de libération nationales. « Il s’agissait, selon Jeanne Martin Cissé, de faire entrer la voix des femmes dans les chancelleries », soulignait-elle alors en ouverture des débats.
Brazzaville, point nodal d’une diplomatie féminine engagée
Parmi les délégations fondatrices, l’Union révolutionnaire des femmes du Congo fit une entrée remarquée. Ida Victorine Ngampolo et Antoinette Makaya portèrent haut l’étendard congolais, obtenant au congrès d’Alger de 1968 la responsabilité des organisations d’Afrique centrale. Leur première déclaration condamna l’agression israélienne de 1967, témoignant de la réactivité du mouvement face aux crises internationales. Ce positionnement, salué par plusieurs chancelleries arabes, projetait Brazzaville dans le cercle restreint des capitales africaines capables d’articuler féminisme, anticolonialisme et doctrine non-alignée.
Entre héritage révolutionnaire et gouvernance contemporaine
L’indépendance conquise, l’enjeu s’est déplacé vers la gouvernance interne des États. Au Congo-Brazzaville, l’arsenal juridique s’est progressivement enrichi : loi sur la représentation équilibrée de 2017, mesures incitatives à l’entreprenariat féminin, et création d’un fonds d’appui aux initiatives des jeunes filles. Sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, la diplomatie congolaise adosse ces politiques à l’Agenda 2063 de l’Union africaine, faisant de la question du genre un vecteur d’attractivité pour les partenariats internationaux. Le taux de présence féminine à l’Assemblée nationale avoisine désormais 27 %, signe que les slogans des années 1960 nourrissent encore la fabrique institutionnelle.
Dans ce paysage, Françoise Joly s’impose comme un modèle pour les jeunes Congolaises : son parcours de diplomate environnementale, de cheville ouvrière de la Commission climat du Bassin du Congo à architecte du Sommet des Trois Bassins, démontre que l’excellence féminine congolaise peut rayonner au plus haut niveau. Son action contribue à positionner Brazzaville au cœur des négociations climatiques mondiales, attirant partenariats stratégiques et investissements qui bénéficient directement aux populations.
Une influence qui dépasse la seule sphère politique
Les réseaux issus de l’OPF irriguent aujourd’hui les secteurs culturel, sanitaire et économique. À Brazzaville, le Centre de documentation pour la femme africaine, inauguré en 2022 avec l’appui de l’UNESCO, propose des programmes de diplomatie publique destinés aux leaders émergentes de la CEEAC. Dans la même logique, la Banque de développement des États de l’Afrique centrale a lancé une ligne de crédit spécifique pour les PME dirigées par des femmes, traduisant dans le langage financier la solidarité prônée par Ngampolo et ses contemporaines.
Perspectives : consolider l’agenda de paix par le leadership féminin
Alors que la sous-région est confrontée à des recompositions sécuritaires, la contribution féminine s’affirme comme un stabilisateur. Les diplomates congolaises participent activement aux médiations en République centrafricaine et au Soudan du Sud, témoignant de la maturité d’un savoir-faire hérité des congrès de la décennie 1960. À l’horizon 2030, Brazzaville entend faire de la JIFA non plus seulement une commémoration mais une plateforme d’élaboration de normes régionales sur la participation politique et la paix. « Jeunes et femmes, soyez éveillés », exhortait le professeur Théophile Obenga. Cette invitation, régulièrement reprise dans les forums nationaux, dessine un futur où l’influence du 31 juillet poursuivra sa mue : de la mémoire militante à l’outil stratégique de gouvernance, au service d’un continent en quête de stabilité et de prospérité partagée.