Une décision attendue contre la vie chère
La circulaire ministérielle diffusée dimanche a surpris les marchés brazzavillois déjà fourmillants à l’aube. En quelques pages, le gouvernement confirme l’exonération immédiate de nombreux produits alimentaires de première nécessité.
Signé par le ministre de l’Économie et des Finances, Jean-Baptiste Ondaye, le texte vise à contenir l’inflation ressentie depuis plusieurs mois dans les foyers urbains comme dans les campagnes.
Le Congo rejoint ainsi plusieurs pays africains ayant adopté des baisses de taxes pour amortir les chocs extérieurs liés à la crise russo-ukrainienne et à la tension persistante sur les chaînes logistiques mondiales.
À Brazzaville, certains détaillants évoquent déjà une possible détente sur les prix du riz et de l’huile, même si les ruptures d’approvisionnement passées incitent à la prudence.
Détails des produits exonérés de taxes
La mesure couvre le blé, l’huile végétale raffinée, le riz, les viandes et abats congelés, ainsi que divers poissons de mer congelés ou salés.
Sont également concernés le lait en poudre, les engrais, les aliments pour bétail et les semences destinées aux cultures vivrières ou horticoles.
Pendant douze mois, ces produits seront exemptés du droit de douane, de la redevance informatique et de la taxe sur la valeur ajoutée, selon les précisions de la circulaire.
Le directeur général des douanes, Alphonse Gando, a reçu mandat de veiller à l’application rigoureuse du dispositif dans les ports, aéroports et postes frontières.
Un geste aligné sur le Plan national de résilience
Cette exonération fait partie du Plan national de résilience adopté en 2022 pour protéger les ménages contre la flambée des denrées et stabiliser la croissance.
« C’est l’un des actes que nous attendions », confirme Mermans Babounga, président de l’Observatoire congolais des droits des consommateurs, joint par téléphone lundi matin.
Selon lui, la baisse des taxes douanières devrait se traduire rapidement par une diminution des étiquettes, sous réserve d’un contrôle accru contre la spéculation.
Le ministère de l’Économie rappelle que les importateurs réalisant les formalités en ligne bénéficieront d’un dédouanement accéléré, afin d’éviter l’engorgement du port de Pointe-Noire.
Impacts espérés pour les consommateurs et le secteur
Dans les supermarchés de Pointe-Noire, un sac de riz parfumé de vingt-cinq kilos coûte environ dix-neuf mille FCFA. Les commerçants prévoient une baisse de dix à quinze pour cent si la mesure suit.
Les éleveurs, de leur côté, espèrent une réduction du prix des aliments pour bétail souvent importés de l’Union européenne ou d’Asie.
« Un sac de provende peut dépasser vingt-deux mille FCFA. Si les intrants sont exonérés, nous pourrons mieux nourrir les volailles », explique Élise Ngatsé, avicultrice dans la périphérie nord de la capitale.
Les transformateurs locaux de farine soulignent toutefois la nécessité de maintenir des approvisionnements réguliers en blé, afin de sécuriser la production de pain, denrée hautement sensible pour les ménages.
Défis logistiques et appels des associations
Entre le port de Pointe-Noire et Brazzaville, la Route nationale numéro un compte sept postes de péage sur un tracé d’un peu plus de cinq cents kilomètres.
Les transporteurs estiment que les tarifs actuels, proches de deux mille FCFA par barrière pour les camions, grèvent la compétitivité des produits exonérés.
Mermans Babounga plaide pour un allègement temporaire ou un plafonnement de ces redevances, afin de rendre cohérente la politique d’exonération douanière avec la réalité du corridor routier.
Selon le ministère des Transports, un groupe de travail étudie déjà les modalités d’une réduction ciblée pour les véhicules transportant exclusivement des vivres frais ou des intrants agricoles.
Vers une agriculture plus compétitive ?
Le Congo dispose de dix à douze millions d’hectares arables, mais moins de cinq pour cent sont effectivement cultivés, rappellent les services statistiques.
En réduisant le coût des semences et des engrais importés, le gouvernement espère encourager les jeunes agripreneurs à investir dans les provinces du Niari, de la Bouenza et des Plateaux.
Plusieurs organisations de micro-finance annoncent déjà des lignes de crédit adaptées, misant sur un regain de production locale susceptible de réduire progressivement la dépendance aux importations.
« La bataille contre la vie chère passe aussi par l’offre domestique », rappelle l’économiste Patrice Iloki. Pour lui, l’exonération douanière doit s’accompagner d’investissements dans l’irrigation, les pistes rurales et la formation technique.
Calendrier et suivi de la mise en œuvre
Selon la note officielle, les douanes disposent de quinze jours pour adapter leurs logiciels, actualiser les tarifs et former les agents aux nouvelles nomenclatures exonérées.
Un comité interministériel, présidé par le Premier ministre Anatole Collinet Makosso, publiera des tableaux de bord mensuels afin de mesurer l’évolution effective des prix sur les étals et repérer d’éventuelles distorsions.
Les organisations de consommateurs seront invitées à transmettre leurs relevés hebdomadaires, tandis que la Banque centrale du Congo intégrera ces données à son indice national des prix pour affiner la politique monétaire.
En cas de succès, le dispositif pourrait être prolongé au-delà de 2024 et élargi à d’autres segments comme les pièces détachées agricoles ou les équipements de pêche artisanale.
