Brazzaville accueille les Journées SCCE
Du 28 au 30 octobre, la capitale congolaise vibre au rythme de la première édition des Journées scientifiques de la Société congolaise contre l’épilepsie, SCCE.
L’événement rassemble à Brazzaville cliniciens, chercheurs, paramédicaux, psychologues, sociologues, linguistes et étudiants désireux d’explorer ensemble le défi encore sous-estimé de l’épilepsie post-AVC.
Des conférences plénières ouvrent chaque matin tandis que l’après-midi laisse place à des ateliers pratiques, favorisant un dialogue direct entre spécialistes et jeunes professionnels de santé.
Le thème central, « Épilepsie post-accident vasculaire cérébral : quelles perspectives pour la prise en charge ? », oriente toutes les discussions vers des solutions adaptées au contexte national.
Selon les organisateurs, il s’agit moins d’un colloque classique que d’un laboratoire d’idées appelé à nourrir durablement la pratique médicale congolaise.
La SCCE espère ainsi inscrire la lutte contre l’épilepsie dans l’agenda scientifique régulier de la République du Congo et créer un précédent structurant.
Une pathologie fréquente encore méconnue
L’épilepsie post-AVC figure parmi les complications neurologiques les plus courantes recensées après un accident vasculaire cérébral, rappellent les intervenants dès l’ouverture des travaux.
Pourtant, le diagnostic reste tardif dans de nombreux cas, souvent faute d’outils adaptés ou de formation ciblée, ce qui retarde la prise en charge et complique la rééducation.
Les crises peuvent survenir des mois après l’AVC, brouillant le lien de causalité aux yeux des patients et alimentant parfois des perceptions erronées ou stigmatisantes.
En ouvrant le débat, la SCCE veut rétablir des repères scientifiques simples : reconnaître les signes, confirmer le diagnostic par imagerie, orienter les traitements et prévenir les rechutes.
« Trop de familles confondent épilepsie et phénomènes mystiques », observe un neurologue présent, soulignant l’intérêt de sensibilisations ciblées auprès des communautés urbaines et rurales.
La dimension socioculturelle, longtemps négligée, occupe donc une place notable dans les panels, avec la participation de linguistes et sociologues chargés d’analyser les discours populaires.
Objectifs pédagogiques ciblés
Pendant ces trois jours, plusieurs modules techniques se concentrent sur la lecture des tomodensitométries cérébrales et des IRM, compétences jugées cruciales pour identifier rapidement les foyers épileptogènes.
Des séances de simulation mettent ensuite en situation les participants, qui interprètent des images réelles avant de comparer leurs conclusions avec celles d’experts confirmés.
Les organisateurs proposent également un focus sur la sémiologie des crises, expliquant comment différencier une crise focale d’une crise généralisée dans un contexte post-AVC.
Un volet consacré à la rééducation fonctionnelle rappelle l’importance d’une approche intégrée : traitement médicamenteux, exercices de récupération motrice et accompagnement psychologique.
Les participants travaillent aussi sur l’adaptation du discours thérapeutique, afin d’expliquer simplement les protocoles aux patients et de favoriser leur adhésion sur le long terme.
Cette dimension pédagogique s’adresse autant aux spécialistes qu’aux généralistes, appelés à repérer rapidement les crises dans les structures de premier recours et à orienter vers des services adaptés.
Recherche locale et innovation
L’un des temps forts reste l’atelier de recherche clinique dédié aux jeunes médecins, où ils apprennent à structurer un protocole, définir des objectifs mesurables et choisir une méthodologie appropriée.
Les formateurs partagent des exemples d’études réalisées localement, démontrant que la recherche congolaise peut produire des données pertinentes sur l’épilepsie et influencer les recommandations.
Parallèlement, une session aborde la valorisation des résultats, de la rédaction d’article scientifique à la présentation lors de congrès, afin d’assurer une diffusion large du savoir.
Les organisateurs insistent sur l’importance des innovations curriculaires dans les facultés de médecine, notamment l’intégration précoce des neurosciences et de l’épileptologie dans les programmes.
Cette dynamique pourrait créer un vivier de spécialistes capables de répondre aux besoins croissants du pays, tout en renforçant l’autonomie scientifique nationale.
Pour la SCCE, réunir diverses disciplines au même endroit constitue déjà une innovation en soi, ouvrant la voie à des collaborations inédites autour du patient post-AVC.
Combattre la stigmatisation
Au-delà des aspects cliniques, les journées réservent un espace à la communication, avec l’élaboration de messages de sensibilisation simples, destinés aux médias et aux organisations communautaires.
Les linguistes proposent d’employer un vocabulaire non stigmatisant, évitant par exemple le terme de « folie » encore trop souvent associé aux crises d’épilepsie.
Les sociologues analysent quant à eux les barrières culturelles, afin de recommander des stratégies d’information adaptées aux réalités linguistiques et aux croyances locales.
Les participants s’accordent sur un objectif commun : réduire la stigmatisation pour que les personnes vivant avec une épilepsie consultent plus tôt et suivent rigoureusement leur traitement.
À terme, la SCCE ambitionne de déployer ces messages dans les radios communautaires, les réseaux sociaux et les centres de santé, afin de toucher un public aussi large que possible.
À l’issue des travaux, un rapport de recommandations sera publié, scellant la volonté collective de faire de l’épilepsie post-AVC une priorité de santé publique au Congo.
Des perspectives au-delà de Brazzaville
La SCCE prévoit déjà de délocaliser les prochaines éditions dans d’autres départements, afin de rapprocher l’expertise des praticiens et des patients vivant hors capitale.
