Un échange décisif à Brazzaville
La ministre des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Artisanat, Jacqueline Lydia Mikolo, a reçu à Brazzaville la présidente de la Fédération des femmes entrepreneurs d’Afrique centrale, Jacqueline Tientcheu. Les deux responsables ont posé les bases d’un partenariat public-privé consacré à l’essor de l’entrepreneuriat féminin.
Le tête-à-tête, intervenu mi-octobre, répond à la feuille de route gouvernementale qui veut porter à 30 % la part des entreprises dirigées par des femmes d’ici 2025, un objectif inscrit dans le Plan national de développement 2022-2026.
Objectifs communs pour les PME féminines
Les discussions ont d’abord porté sur la reconnaissance officielle de la Fofe-Ac comme organe technique apte à accompagner les créatrices d’activité. Cette validation faciliterait l’accès aux programmes de formation, aux incitations fiscales et aux marchés publics réservés aux jeunes pousses managées par des femmes.
Madame Mikolo a indiqué que le partenariat prendrait la forme d’un protocole d’accord, assorti d’indicateurs mesurables. « Nous voulons des résultats concrets et rapides », a-t-elle souligné, rappelant l’importance de soutenir les structures déjà crédibles auprès des banques et des bailleurs.
Un incubateur national annoncé pour décembre
Point clé de la rencontre, l’annonce de l’ouverture, en décembre, d’un incubateur national dédié aux petites et moyennes entreprises. L’établissement, financé par le budget de l’État et des partenaires techniques, mettra l’accent sur la digitalisation, la qualité et l’accès aux chaînes d’approvisionnement.
Les promotrices seront accompagnées pendant douze mois, via du mentorat, des espaces de coworking et un appui à la levée de fonds. Selon le cabinet du ministère, cent cinquante projets, dont soixante pilotés par des Congolaises, sont déjà présélectionnés.
La Fofe-Ac, réseau de 11 pays d’Afrique centrale
Créée en 2018, la Fofe-Ac fédère aujourd’hui des associations issues de onze pays, de la Guinée équatoriale au Rwanda. Elle revendique plus de 12 000 adhérentes actives dans l’agro-industrie, la mode, le numérique ou encore la gestion des déchets.
Jacqueline Tientcheu a remis un rapport détaillant les formations déjà dispensées, dont 600 heures de coaching en gestion comptable et 200 en marketing digital. « Nous souhaitons capitaliser sur ces acquis pour démultiplier notre impact au Congo », a-t-elle déclaré.
Financement et garanties : pistes évoquées
Le volet financier a occupé une bonne partie des échanges. Les deux parties ont étudié l’option d’un guichet spécial au sein du Fonds d’impulsion, de garantie et d’accompagnement afin de réduire le taux de rejet des dossiers portés par des femmes.
L’idée d’associer les banques de la place a également été soulevée, avec à la clé un mécanisme de partage des risques. Selon un responsable du Figa, la garantie publique pourrait couvrir jusqu’à 70 % des prêts octroyés aux bénéficiaires de la future convention.
Cap sur le Forum économique Feciac
Au-delà des textes, la ministre et la dirigeante de la Fofe-Ac ont fixé un rendez-vous concret : le Forum économique pour la croissance et l’investissement en Afrique centrale, prévu du 3 au 4 novembre à Brazzaville.
Le ministère des Pmea sera représenté lors des panels sur le financement vert et la création d’emplois. Les organisateurs attendent 400 participants, dont des investisseurs de la sous-région et plusieurs startups finalistes du concours Challenge 242.
Transfert de compétences et ouverture internationale
Pour enrichir le programme, Jacqueline Tientcheu a suggéré l’invitation de deux stylistes turques spécialisées dans la haute couture éthique. Elles animeraient un atelier pratique destiné aux artisans congolais, avec un volet sur la teinture naturelle et l’optimisation des chutes de tissu.
Le ministère a accueilli favorablement cette proposition, y voyant un exemple concret de transfert de compétences Sud-Sud. Une mission préparatoire se rendra à Istanbul fin octobre pour finaliser les modalités logistiques et pédagogiques de la formation.
Perspectives et feuille de route
À court terme, les équipes vont élaborer une matrice d’activités listant les responsabilités de chaque partie. Cette feuille de route inclura le suivi des entreprises sorties de l’incubateur, afin d’évaluer leur chiffre d’affaires et leur capacité à créer des emplois durables.
L’année 2024 sera consacrée à l’extension du modèle dans les chefs-lieux départementaux. Le ministère ambitionne d’implanter trois antennes régionales dès juin, tandis que la Fofe-Ac mobilisera ses réseaux pour assurer du mentorat à distance.
Prochaines étapes administratives
Sur le plan administratif, le projet de protocole sera transmis au secrétariat général du gouvernement avant fin novembre. Une commission mixte révisera les articles relatifs aux avantages fiscaux, à la propriété intellectuelle et au respect des normes de qualité.
Une fois le texte signé, un comité de pilotage trimestriel assurera le reporting. Les indicateurs clés incluront le nombre de femmes formées, le volume de crédits mobilisés et le pourcentage de start-up ayant franchi le cap des deux ans d’existence.
Témoignages d’entrepreneures
Au sortir de la réunion, Mireille Mabiala, fondatrice d’une marque de jus de fruits bio à Pointe-Noire, s’est montrée confiante. « L’accès aux laboratoires d’analyse promis par l’incubateur nous évitera d’envoyer nos échantillons à l’étranger », a-t-elle expliqué.
Même enthousiasme chez Grâce Eyangui, développeuse d’applications installée à Brazzaville, qui souhaite bénéficier du mentorat pour structurer sa première levée de fonds. « Les garanties annoncées rassurent déjà nos potentiels investisseurs », a-t-elle confié à l’issue des échanges.