72 heures pour lancer son affaire
Créer une société à Brazzaville ou Pointe-Noire ne relève plus du parcours du combattant : depuis 2022, l’Agence congolaise pour la création des entreprises (ACPCE) promet un registre, un Numéro d’identification unique et un extrait K-bis local en seulement 72 heures.
Cette prouesse administrative, saluée par les jeunes porteurs de projet, émane d’une volonté politique d’ouvrir davantage l’économie nationale et de transformer la démographie juvénile en vivier d’emplois, a rappelé le directeur général de l’agence, Emeriand Dieu-Merci Kibangou.
Une agence, un guichet unique
Née de la loi 16-2017 et héritière de l’ancien Centre des formalités des entreprises, l’ACPCE regroupe en un guichet unique les services du commerce, des impôts, de la sécurité sociale et du greffe, réduisant ainsi la course d’un bureau à l’autre.
Les créateurs déposent désormais dossier juridique, statut, pièce d’identité et contrat de bail au même comptoir, récupèrent les récépissés immatriculation, licence unique d’exploitation et identifiants fiscaux sans frais supplémentaires ni va-et-vient interminables, insiste Monsieur Kibangou.
Des coûts revus à la baisse
Le ticket d’entrée entrepreneurial est passé de 100 000 à 25 000 FCFA, soit une division par quatre du coût légal, à laquelle s’ajoute la gratuité de la licence unique, document qui récapitule obligations comptables, sociales et fiscales de l’entrepreneur.
Cette baisse, expliquent les responsables, vise à lever le frein financier souvent cité par les porteurs de micro-projets, notamment dans l’agriculture périurbaine, le e-commerce et les services numériques où le capital initial est parfois plus symbolique que réel.
Quatre catégories pour mieux cadrer l’activité
La loi congolaise distingue désormais très petites, petites, moyennes et grandes entreprises sur la base du chiffre d’affaires, de zéro jusqu’à plus de deux milliards de FCFA, classification qui conditionne la comptabilité exigée et le régime d’imposition.
« Mal classer son activité peut coûter cher à l’État comme au promoteur », prévient le directeur, soulignant que certaines sociétés grossissent sans actualiser leur statut, échappant alors au commissaire aux comptes ou à un taux d’impôt adapté.
Une base de données encore incomplète
Sur 35 000 entreprises enregistrées, seulement 10 000 figurent dans le portefeuille actif de la direction générale des impôts et moins de 5 000 dialoguent avec l’Institut national de la statistique, accusant un retard de mise à jour.
L’ACPCE travaille à la numérisation intégrale des fichiers afin d’offrir aux banques, assureurs et investisseurs une cartographie fiable du tissu productif et de faciliter, demain, l’estimation des taux de survie ou l’éligibilité aux incitations fiscales.
Cap sur la jeunesse
Placée sous le signe de l’« année de la jeunesse », la campagne gouvernementale « Un jeune, une entreprise » bénéficie d’un appui logistique du PNUD et d’un enveloppe estimée entre trois et cinq milliards de FCFA pour le financement de micro-projets.
Au 31 mai 2024, l’initiative comptait déjà 2 579 bénéficiaires répartis dans les douze départements, avec des concentrations marquées à Brazzaville et dans le Pool, selon les chiffres communiqués par le ministère des Petites et Moyennes Entreprises.
Femmes entrepreneures : un élan mesurable
Les femmes représentent 26,2 % des créations nationales et jusqu’à 28,4 % dans le Pool, une progression encourageante que la directrice de cabinet du ministère, citée par Radio Congo, attribue aux formations ciblées et à la simplification des démarches.
Des success-stories émergent dans la transformation agroalimentaire, la couture et le tourisme de proximité, donnant, selon l’ACPCE, un effet d’entraînement sur d’autres aspirantes, notamment en milieu périurbain où l’entrepreneuriat féminin était historiquement plus faible.
Pourquoi certaines entreprises disparaissent
Si l’agence délivre les actes de naissance, rares sont les promoteurs qui déclarent officiellement la fin de leur activité, reconnaît Monsieur Kibangou, rendant difficile le calcul d’un taux de mortalité pourtant crucial pour ajuster les politiques d’appui.
L’ACPCE réfléchit à une procédure de radiation en ligne couplée à un rappel automatique, pour capter ces fermetures avant qu’elles ne faussent les statistiques et entravent la lecture des organismes prêteurs ou partenaires techniques.
Vers la digitalisation totale
Une plateforme web de dépôt de dossiers, actuellement en phase pilote à Pointe-Noire, doit être étendue à tout le territoire avant fin 2024, permettant le paiement mobile des frais et la délivrance d’attestations électroniques signées numériquement.
« L’objectif est de maintenir la promesse des 72 heures même en période d’affluence et d’élargir le guichet unique aux modifications statutaires », assure le directeur général, qui voit dans cette modernisation une pierre supplémentaire à l’édifice de la diversification économique.
Un accompagnement au-delà de l’immatriculation
Après l’immatriculation, l’ACPCE oriente les porteurs vers des cabinets de conseil subventionnés pour la tenue de comptabilité simplifiée et la rédaction de business plans bancables, étapes souvent négligées mais indispensables pour accéder au crédit ou aux marchés publics.
Des sessions trimestrielles de mentorat réunissent banquiers, assureurs et experts fiscaux afin de répondre en direct aux questions de trésorerie, de protection sociale ou d’enregistrement à la CNSS, consolidant l’écosystème entrepreneurial au-delà du simple acte administratif.
Une meilleure note pour l’indice de compétitivité
En rationalisant la création d’entreprise, le Congo vise également un meilleur classement dans les rapports internationaux de compétitivité, un enjeu pour attirer investisseurs régionaux et fonds d’impact qui scrutent la rapidité des procédures et la sécurité juridique.
