Un programme pilote d’autonomisation économique
Sous les frondaisons de la cité scientifique de Brazzaville, quarante participants prennent place, carnet en main. Le 24 juillet, la Comunità Sviluppo e Promozione, ONG italienne aguerrie aux projets de développement, a officiellement lancé une session de formation en gestion d’entreprise pensée pour les personnes vivant avec handicap. L’objectif affiché est clair : transformer des ambitions souvent tues en projets viables, capables de générer des revenus durables. L’Union européenne et la Conférence épiscopale d’Italie, principaux bailleurs, entendent ainsi traduire en actes le principe de « ne laisser personne de côté » qui irrigue l’Agenda 2030.
Synergie entre acteurs publics et partenaires internationaux
Le dispositif repose sur une articulation fine entre expertise étrangère et politiques publiques nationales. Aux côtés de la CPS, le Groupement des intellectuels et ouvriers handicapés du Congo assure le relais communautaire, tandis que l’Agence nationale de valorisation des résultats de la recherche et de l’innovation – bras technique du ministère de la Recherche scientifique – pilote le contenu pédagogique. « Cette formation s’inscrit dans la droite ligne de la politique d’inclusion socio-économique du chef de l’État », rappelle le ministre Rigobert Maboundou, soulignant la convergence entre coopération internationale et priorités gouvernementales.
Une ingénierie pédagogique taillée sur mesure
Pour maximiser l’impact, le cursus se décline en sept modules allant du management stratégique à la maîtrise des technologies de l’information. Les cours, répartis sur des matinées de mardi et jeudi, s’appuient à quatre-vingt pour cent sur des supports visuels adaptés aux différents types de handicap. Rivanelle Missolékélé Mpidy, chef de projet à l’ANVRI, explique avoir privilégié une évaluation tripartite – diagnostique, formative, sommative – afin de calibrer le contenu « au niveau réel et non supposé des apprenants ». Une manière de passer d’une logique de simple assistance à celle d’un accompagnement vers la compétitivité.
L’inclusion économique au cœur de la stratégie nationale
Sur le plan interne, le programme fait écho au Plan national de développement et, plus spécifiquement, au mécanisme de filets sociaux productifs coordonné par le ministère des Affaires sociales. « L’État mobilise déjà des financements pour appuyer les micro-projets des couches vulnérables », rappelle la ministre Irène Marie Cécile Mboukou-Kimbatsa, conviant les bénéficiaires à « transformer la connaissance reçue en valeur ajoutée tangible ». Une telle synchronisation institutionnelle renforce la cohérence de l’action publique et conforte la position du Congo-Brazzaville comme défenseur de l’inclusion au sein des forums internationaux.
Effets d’entraînement et diplomatie du développement
Au-delà des quarante stagiaires actuels, plus de cent vingt autres personnes handicapées suivent depuis décembre dernier des formations aux métiers manuels. L’expérience pilote brazzavilloise pourrait donc être répliquée à Pointe-Noire puis dans les départements de l’intérieur, élargissant le vivier d’acteurs économiques capables de contribuer à la diversification recherchée de l’économie nationale. Pour les partenaires européens, le projet sert également de vitrine d’une coopération constructive avec un Congo volontariste, fidèle à ses engagements multilatéraux. « La diplomatie du développement trouve ici un terrain d’expression concret », résume un conseiller de l’UE en poste à Kinshasa.
Parier sur l’entreprenariat pour transcender le handicap
À l’heure où les économies africaines s’emploient à amortir les chocs exogènes, le pari brazzavillois sur l’entreprenariat inclusif revêt une résonance particulière. En outillant les personnes vivant avec handicap, les autorités congolaises misent sur un segment de population longtemps marginalisé pour élargir la base productive nationale. Une fois diplômés, les nouveaux entrepreneurs accéderont à l’accompagnement financier prévu par le programme de filets sociaux, bouclant ainsi la boucle entre formation, financement et insertion professionnelle. Les mots de la coordinatrice Ermelinda Onda résument l’esprit du projet : « L’autonomie économique est la forme la plus durable de dignité ».
Ainsi, derrière les chiffres et les modules se dessine un message éminemment politique : au Congo comme ailleurs, l’inclusion n’est plus un supplément d’âme, mais un levier de compétitivité et de stabilité. Dans un environnement régional où les indicateurs sociaux pèsent sur les dynamiques sécuritaires, le choix de Brazzaville de promouvoir l’entreprenariat des personnes handicapées apparaît, à bien des égards, comme un investissement dans la paix sociale et la crédibilité diplomatique.