Brazzaville mise sur la compétence pour juguler la vulnérabilité juvénile
Dans la moiteur sereine des rives du fleuve Congo, l’enceinte de l’Institut national de la jeunesse et des sports (INJS) a troqué, le temps d’un atelier, les maillots d’entraînement pour des carnets stratégiques. Du 30 juin au 3 juillet 2025, experts gouvernementaux et représentants de l’Unesco ont, côte à côte, revisité les réponses institutionnelles à la délinquance juvénile et aux violences basées sur le genre, deux phénomènes qui inquiètent les décideurs tant pour leur coût social que pour leur potentiel déstabilisateur. « Le renforcement de la cohésion nationale commence par la formation de ceux qui encadrent notre jeunesse », a souligné Charles Makaya, directeur de cabinet du ministre de la Jeunesse, ouvrant la session.
Un partenariat Unesco-Congo au service des priorités nationales
Présent aux côtés des autorités congolaises, Brice Kamwa Ndjatang, représentant-résident adjoint de l’Unesco, a rappelé que l’organisation onusienne place l’éducation citoyenne au cœur de ses mandats. La démarche répond aux attentes formulées par le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, lors des assises nationales de la jeunesse de 2023, lesquelles avaient insisté sur le triptyque inclusion, employabilité et paix sociale. Inscrire une initiative technique dans ce cadre amplifie sa portée diplomatique : le Congo réaffirme sa capacité à convertir les normes internationales en politiques publiques contextualisées, tout en renforçant son image d’acteur responsable sur la scène multilatérale.
Approche holistique : du terrain aux politiques publiques
L’atelier a articulé trois niveaux d’intervention. Au plan cognitif, il a permis d’actualiser la connaissance des ressorts psychosociaux de la marginalité adolescente, en insistant sur les déterminants économiques et la fracture territoriale entre centres urbains et zones rurales. Sur le terrain pédagogique, les cadres de l’INJS ont éprouvé des méthodes de médiation inspirées des écoles de la deuxième chance et des cliniques juridiques de quartier. Enfin, le volet stratégique a esquissé un canevas de comités socio-éducatifs devant irriguer l’ensemble des structures rattachées au ministère. À terme, ces comités devraient nourrir le projet de loi portant politique nationale de la jeunesse, actuellement en examen au Parlement.
Genre et réinsertion, nouveaux marqueurs de l’action gouvernementale
Si la prévention de la délinquance reste la clef de voûte de l’initiative, l’accent mis sur les violences de genre témoigne d’une inflexion plus large de l’agenda social congolais. Selon les données agrégées par l’Observatoire national du développement humain, près de 28 % des jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans déclarent avoir subi une forme de violence au cours des douze derniers mois. Doter les encadreurs d’outils sensibles au genre participe donc à la protection des droits fondamentaux et renforce le socle normatif de l’État. « La réinsertion se joue autant dans le regard que la société porte sur la victime que dans l’offre économique qu’elle lui propose », insiste une sociologue de l’Université Marien Ngouabi mobilisée pour la formation.
Vers une diplomatie de la jeunesse ancrée dans l’Agenda 2030
Le cadrage conceptuel de l’atelier s’aligne sur les Objectifs de développement durable, notamment l’ODD 16 relatif à la paix, à la justice et aux institutions efficaces. En intégrant ces référentiels internationaux, Brazzaville renforce la crédibilité de son Plan national de développement 2022-2026, document stratégique axé sur la diversification économique et la transformation sociale. Cette cohérence séduit les partenaires techniques et financiers, toujours attentifs à la continuité des réformes. À moyen terme, l’expertise accumulée à l’INJS pourrait être exportée dans la sous-région, positionnant le Congo comme pourvoyeur de bonnes pratiques en matière de diplomatie préventive.
Investir dans l’humain, pari sur la stabilité et la croissance
Dans un pays où la tranche 15-35 ans représente près de 60 % de la population, la formation des cadres d’insertion apparaît comme un chantier transversal. L’État a déjà matérialisé cet engagement par la création de l’Agence nationale d’insertion et de réinsertion sociale des jeunes et par l’ouverture du centre pilote d’Aubeville, dans la Bouenza. L’atelier de Brazzaville agit comme catalyseur : il fédère administrations sectorielles, société civile et partenaires extérieurs dans une même dynamique. Le pari est clair : transformer la démographie en dividende plutôt qu’en fardeau, tout en consolidant l’État de droit par la prévention des vulnérabilités. À l’heure où les économies africaines cherchent à amortir les chocs exogènes, le capital humain demeure la variable la plus sûre pour maintenir le cap de la stabilité et de la prospérité partagée.