Concours sélectif et symbolique
Le 19 juillet, le ministre de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation, Jean Luc Mouthou, a donné le coup d’envoi du concours d’entrée aux lycées d’excellence de Mbounda (Dolisie) et d’Oyo. Quatre cent dix collégiens, issus des douze départements, se sont installés face aux épreuves de mathématiques, dictée-questions, expression écrite et questions de cours. Aucune place n’est laissée au hasard : seuls cent vingt d’entre eux, soit moins d’un tiers, intégreront en septembre les deux établissements pilotes créés pour cultiver le haut potentiel académique national.
Au-delà de la compétition, la cérémonie d’ouverture, retransmise par les médias publics, a revêtu une portée hautement symbolique. Elle clôt la séquence des examens 2024-2025 et rappelle, à travers l’étendard de l’excellence, la volonté de l’État de reconnaître le mérite tout en consolidant l’unité nationale. « Nous voulons associer performance et brassage, afin que chaque département se sente représenté », a souligné le ministre devant les équipes pédagogiques rassemblées.
Une politique d’élite au service du capital humain
L’émergence de ces lycées s’inscrit dans le Plan sectoriel de l’éducation 2022-2030, document de référence qui articule la formation initiale, la formation technique et la recherche. Le gouvernement y fixe pour priorité l’augmentation du taux d’encadrement de haut niveau, condition sine qua non de la transformation économique définie dans la stratégie nationale de développement. L’idée n’est pas neuve : dès 2012, le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, interpellait la communauté éducative sur la nécessité de « former des ingénieurs plutôt que des improvisateurs ». Les lycées de Mbounda et d’Oyo matérialisent cette ligne directrice en offrant un encadrement professoral renforcé, des laboratoires de sciences physiques rénovés et un accès prioritaire aux bourses universitaires.
La démarche inspire d’autres pays d’Afrique centrale, où la croissance démographique met sous pression les systèmes éducatifs. À Brazzaville, certains diplomates voient dans cette ambition un gage de stabilité, la jeunesse instruite étant considérée comme un facteur de cohésion sociale. La Banque mondiale relève d’ailleurs, dans son dernier rapport sur le capital humain, que chaque année d’enseignement secondaire supplémentaire peut accroître de neuf pour cent le revenu individuel futur.
Enjeux diplomatiques et régionaux de la formation
Le Congo-Brazzaville, siège de plusieurs organismes sous-régionaux, mise sur ces pôles d’excellence pour consolider son influence au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. Les lauréats sont fréquemment invités à participer aux olympiades scientifiques de la zone, donnant au pays une visibilité académique peu commune. En 2023, la médaille d’or obtenue par un élève d’Oyo à l’Olympiade mathématique africaine avait été saluée à Libreville comme à Yaoundé.
À plus long terme, l’initiative pourrait favoriser la mobilité estudiantine dans un espace régional marqué par la signature, en janvier dernier, d’un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes. Les partenaires techniques et financiers suivent le dossier avec attention. L’Agence française de développement a déjà inscrit, en coopération déléguée, un volet de financement d’infrastructures numériques, tandis que l’UNESCO encourage la mise en réseau des lycées d’excellence d’Afrique francophone.
Vers une démocratisation maîtrisée de l’excellence
La sélectivité suscite inévitablement des interrogations quant à l’équité territoriale. Le ministère répond par une politique de quotas départementaux et un internat gratuit, afin de neutraliser les écarts de revenu. Pour l’heure, soixante places sont attribuées à Mbounda, soixante à Oyo ; mais le gouvernement envisage, selon le ministre, « d’étendre le dispositif à chaque chef-lieu de département », proposition qu’il soumettra au président de la République.
Cette extension graduelle vise à éviter l’effet de dilution souvent observé lorsqu’un projet d’élite devient massif. Les autorités préconisent une montée en puissance adossée à une formation continue des enseignants et à une évaluation externe annuelle. L’approche s’aligne sur les recommandations de l’Union africaine, qui encourage la création de centres d’excellence tout en réaffirmant la nécessité de maintenir des standards rigoureux.
Perspectives budgétaires et partenariales
Dans un contexte macroéconomique volatil, le financement durable de ces établissements reste un enjeu clé. Le budget 2025 table sur une légère hausse des ressources propres, soutenue par le rebond du secteur pétrolier et l’amélioration du recouvrement fiscal. Selon la Direction générale du Budget, près de deux pour cent des recettes additionnelles seront réaffectés à l’éducation secondaire technique et d’excellence.
L’État explore parallèlement des mécanismes de partenariat public-privé. Des grandes entreprises forestières et télécoms ont manifesté leur intérêt pour parrainer des laboratoires ou offrir des stages, signe que l’articulation entre école et secteur productif gagne en crédibilité. « La jeunesse est notre plus bel actif », a résumé un dirigeant de la Chambre de commerce lors du Forum économique de Pointe-Noire.
À la veille de la publication des résultats, la ferveur des candidats et l’adhésion de leurs familles témoignent de l’attrait intact pour l’ascension par le savoir. Si le chemin reste jalonné de défis logistiques et pédagogiques, la tenue régulière du concours d’excellence, désormais institutionnalisé, constitue déjà un signe de maturité des politiques éducatives congolaises. Elle matérialise enfin la conviction, partagée au sommet de l’État, que la diplomatie de la connaissance s’impose comme un vecteur de puissance douce à part entière.