Retour d’expérience au cœur de Brazzaville
Lorsque la délégation congolaise menée par la représentante de l’Unesco au Congo, Fatoumata Barry Marega, a foulé le tarmac de Maya-Maya le 16 juillet, l’accueil officiel traduisait plus qu’une simple cérémonie protocolaire. Il consacrait la réussite d’un second séjour d’immersion technologique en Chine, pensé comme un accélérateur des politiques nationales en matière d’économie numérique. Les cinq lycéens et les enseignants qui les accompagnaient ne rapportaient pas seulement des souvenirs d’Hangzhou et de Shenzhen, mais des prototypes fonctionnels développés en apprentissage machine, reconnaissance d’images ou traitement automatique du langage.
Un partenariat éducatif en pleine accélération
L’initiative jeunesse Unesco-Codemao, lancée en 2018, s’inscrit dans la logique de la Stratégie nationale de développement de l’économie numérique adoptée par le gouvernement congolais. En mettant la Chine, championne autoproclamée de l’intelligence artificielle, au cœur du dispositif, Brazzaville capitalise sur une coopération Sud-Sud qui gagne en densité. Pour l’Unesco, le programme vise à démocratiser les compétences de codage dès le secondaire, tandis que Pékin y voit un instrument de soft power éducatif. L’équation est donc gagnante pour les élèves congolais, appelés à devenir les premiers acteurs d’une transformation structurelle de leurs établissements.
L’apprentissage machine au programme des lycéens
Logés durant dix jours au centre de formation Codemao, les jeunes ont abordé l’architecture des réseaux neuronaux, la logique du deep learning et les principes éthiques associés aux algorithmes. Sous la supervision d’ingénieurs chinois, chaque duo d’élèves devait concevoir une application répondant à un enjeu sociétal concret : diagnostic agricole précoce, assistanat linguistique pour langues nationales ou encore détection d’anomalies sur les routes. Les jurys mixtes sino-congolais ont gratifié les meilleurs prototypes de primes d’encouragement, signe que la créativité se nourrit aussi de la compétition.
Des enseignants formés pour diffuser la compétence
La valeur ajoutée de la mission réside dans la formation parallèle de formateurs. Chris Moukana, l’un des professeurs de sciences invité, confie qu’il s’agissait autant d’un stage technique que d’un laboratoire pédagogique. Les modules reçus couplaient codage par projet et didactique active, une méthodologie que les autorités congolaises souhaitent désormais systématiser. À leur retour, les enseignants deviennent des multiplicateurs : ils devront animer des clubs de programmation, adapter les manuels existants et maintenir un forum numérique d’entraide qui mettra en réseau plus de cinquante établissements pilotes.
Diplomatie scientifique et soft power
Au-delà de la transmission de savoirs, la démarche possède une portée géopolitique assumée. Pékin consolide sa stature de partenaire technologique privilégié du Congo, tandis que l’Unesco renforce son rôle normatif sur l’usage responsable de l’IA en éducation. Dans un contexte international où l’accès aux talents numériques devient un facteur de compétitivité, Brazzaville s’assure une place dans les échanges mondiaux sans renoncer à sa souveraineté. Comme le souligne un diplomate chinois en poste à Brazzaville, « former la jeunesse congolaise, c’est investir dans une coopération de long terme où chacun trouve son intérêt ».
Un écho aux priorités nationales
L’opération s’aligne sur le Plan national de développement 2022-2026, qui fait de la transition numérique un levier de diversification économique. Soutenir l’appropriation de l’intelligence artificielle dès le lycée, c’est préparer la main-d’œuvre aux impératifs futurs de l’administration publique, de la santé et de l’agriculture de précision. La représentante de l’Unesco rappelle qu’« aucune stratégie de croissance inclusive ne saurait ignorer la formation des adolescents aux nouveaux langages technologiques ». Ses propos trouvent un écho favorable auprès des parlementaires congolais, qui y voient un indicateur de confiance pour les investisseurs.
Vers une pédagogie de la pratique
Les participants s’accordent à dire que l’approche chinoise, centrée sur le prototypage rapide et la résolution concrète de problèmes, contraste avec la prédominance locale du cours magistral. Pour ne pas perdre la main, Menga Iloki Bernadeth, l’une des lauréates du séjour, s’est engagée à animer des ateliers hebdomadaires dans son lycée. Cette dynamique ascendante ouvre la voie à une culture de la recherche-action qui, à terme, pourrait irriguer l’ensemble du système éducatif. En misant sur le transfert direct de compétences, le Congo pose une pierre supplémentaire à l’édifice d’une souveraineté numérique maîtrisée.
Perspectives et ancrage durable
Le ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation étudie désormais la possibilité de créer un certificat national de compétences en codage, validé par l’Unesco, afin de garantir la reconnaissance internationale des acquis. À moyen terme, la perspective d’un hub sous-régional de formation en IA, basé à Brazzaville, est évoquée par plusieurs partenaires techniques. En capitalisant sur l’enthousiasme de ces jeunes ambassadeurs et sur l’expertise naissante de leurs encadreurs, le Congo-Brazzaville confirme son ambition : inscrire l’école au rendez-vous des ruptures technologiques sans sacrifier ses valeurs culturelles et son agenda de développement durable.