Un périmètre stratégique pour Brazzaville
Le complexe de production d’eau de Djiri, posé sur les rives de la rivière du même nom, assure à lui seul environ 70 % de l’approvisionnement de la capitale congolaise. Sa capacité de pompage et de traitement en fait depuis quatre décennies la clé de l’équilibre hydraulique urbain.
Le site est inscrit depuis 1982 au domaine privé de l’État afin de protéger la ressource contre toute pollution d’origine humaine. Un périmètre de sécurité sanitaire, divisé en zones immédiate, rapprochée et éloignée, interdit toute construction permanente autour des installations vitales.
Spoliations persistantes malgré le cadre légal
Malgré ces garde-fous juridiques, des individus se réclamant d’anciens droits fonciers érigent depuis plusieurs mois des maisons, boutiques et clôtures à l’intérieur même de la zone interdite. Des tranchées sont ouvertes, bouleversant le sol meuble qui filtre naturellement l’eau captée.
Le 17 octobre, une délégation de La Congolaise des Eaux, appuyée par la gendarmerie, a parcouru le secteur pour dresser un état des lieux. Les ingénieurs ont relevé des engins de terrassement, des dépôts de gravats et des bornes de lotissement fraîchement posées.
« Nous sommes face à un acte de spoliation qui met en péril un service public essentiel », a déclaré Guy Serge Ndinga Ossondjo, directeur des exploitations de LCDE. Selon lui, l’envasement accru risque de gripper les pompes et d’obliger des arrêts de production coûteux.
Risque sanitaire et impact sur les foyers
Le complexe de Djiri alimente plus d’un million d’habitants répartis entre Brazzaville et les communes périphériques. Toute baisse de débit aurait un effet immédiat sur la pression aux robinets, déjà fragile durant la saison sèche, et sur la capacité de lutte contre les épidémies hydriques.
Les techniciens soulignent que les remblais non contrôlés favorisent le ruissellement de particules fines vers les puits de captage. Un traitement chimique supplémentaire deviendrait alors nécessaire, alourdissant le coût de production et impactant la facture finale des ménages.
Outre le danger bactériologique, l’installation sauvage d’activités commerciales dans la zone stérile multiplie les points de pollution domestique : usages de détergents, rejets d’eaux grises, rejet de plastiques. Le risque se répercute sur la santé publique et la confiance des usagers.
Appel de LCDE aux pouvoirs publics
La direction générale de LCDE assure collaborer étroitement avec les ministères de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, ainsi qu’avec celui des Affaires foncières, pour sécuriser le périmètre. Des dossiers contentieux sont déjà pendants devant les juridictions compétentes.
« Nous lançons un appel respectueux au gouvernement pour que les décisions judiciaires soient exécutées sur le terrain », a insisté M. Ndinga Ossondjo. L’entreprise rappelle que la sauvegarde des infrastructures hydrauliques s’inscrit dans les objectifs d’accès universel à l’eau potable fixés par l’État.
Du côté des autorités locales, le chef d’arrondissement de Djiri affirme suivre le dossier « avec la plus grande vigilance ». Il se dit favorable à des opérations de sensibilisation pour convaincre les occupants illégaux d’évacuer volontairement avant l’intervention des forces de l’ordre.
Prochaines étapes envisagées
LCDE envisage d’ériger une clôture grillagée autour de la zone de captage la plus sensible. Des patrouilles mixtes, composées d’agents de sécurité et de techniciens, pourraient être déployées pour repérer immédiatement toute intrusion ou déversement suspect.
Parallèlement, un programme pédagogique sera relancé dans les écoles voisines pour expliquer aux élèves la valeur d’une goutte d’eau potable et l’importance des aires de protection. Ces jeunes ambassadeurs sensibiliseront leurs familles, limitant à long terme la pression foncière.
Les experts rappellent que la modernisation du réseau, engagée avec le soutien de partenaires étrangers, suppose la stabilité des emprises. De futures extensions de l’usine, destinées à accompagner la croissance démographique, ne pourraient aboutir sans un espace sécurisé.
Pour l’heure, LCDE poursuit la surveillance quotidienne de la turbidité du fleuve, adaptant le dosage des produits de traitement afin de maintenir la qualité exigée par l’Organisation mondiale de la santé. Les résultats demeurent dans la norme, mais la marge de manœuvre se réduit.
La population, régulièrement informée via les canaux numériques de la société, est invitée à signaler toute construction suspecte à proximité de l’installation. « La vigilance citoyenne complète l’action des pouvoirs publics », rappelle LCDE, convaincue qu’un front commun garantira l’eau de demain.
Au-delà de l’urgence, le cas de Djiri illustre la nécessité d’un urbanisme harmonieux conciliant développement et protection des ressources. La bataille de l’eau potable se joue autant dans les tribunaux que sur le terrain, là où se dessine le visage de la ville.
De nombreux riverains rencontrés lors de la visite reconnaissent l’importance des installations mais soulignent la pression foncière liée à l’extension du tissu urbain. Ils souhaitent un dialogue ouvert pour trouver des solutions de relogement dignes et éviter de nouvelles installations anarchiques.
Les urbanistes rappellent que le Plan directeur d’aménagement de Brazzaville, en cours de révision, prévoit des zones protégées autour des ouvrages hydrauliques. Sa validation prochaine devrait offrir un cadre plus clair aux investisseurs et réduire les litiges fonciers récurrents.