Un investissement franco-congolais stratégique
La discrète cérémonie du 28 juillet, présidée à Itatolo par le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Émile Ouosso, a consacré la livraison de deux hangars de stockage dédiés aux pièces de rechange des réseaux de transport d’Énergie électrique du Congo (E2C). Fruit d’une convention de financement de 70 millions d’euros signée en 2015 entre l’État congolais et l’Agence française de développement, l’opération mobilise plus de 2 milliards FCFA pour la seule composante logistique. L’ambassade de France a salué « une étape majeure du partenariat d’infrastructures », tandis que le ministère congolais y voit « un levier concret de fiabilisation du service public de l’électricité ».
Des infrastructures calibrées pour la résilience réseau
Les deux sites – Itatolo dans le 9ᵉ arrondissement de Brazzaville et Mongo-Kamba II à Pointe-Noire – abritent chacun deux halles métalliques de plus de 1 000 m². Le premier bâtiment est dimensionné pour accueillir les transformateurs de puissance dont la masse peut dépasser 40 tonnes ; le second, ventilé et confiné, est réservé aux équipements contenant des gaz fluorés, conformément aux normes de sécurité européennes. Au total, plus de 983 m² supplémentaires sont dédiés au stockage annexes, consolidant une surface utile rarement égalée dans la sous-région. Central BTP, entreprise adjudicataire, a bouclé le chantier en quinze mois malgré les difficultés d’acheminement liées au contexte sanitaire mondial, un « test logistique grandeur nature » selon son directeur de projet.
Une cartographie nationale de la maintenance
La configuration géographique répond à une logique de maillage territorial. Itatolo approvisionnera les régions électriques Brazzaville-Pool-Plateau-Cuvette-Ouest et Sangha, tandis que Mongo-Kamba II soutiendra les réseaux de Kouilou-Pointe-Noire et Bouenza-Niari. « Nous réduisons de moitié les temps d’intervention sur les lignes à 220 kV », assure Jean-Blaise Mabiala, directeur de la maintenance d’E2C, qui rappelle que l’absence de pièces critiques avait parfois prolongé les interruptions de service au-delà de 72 heures. Le maintien en conditions opérationnelles des transformateurs, sectionneurs et parafoudres devrait ainsi connaître un saut qualitatif, indispensable pour absorber la croissance annuelle de la demande, estimée à 7 %.
La dimension diplomatique de l’énergie
Sur le plan bilatéral, le projet illustre la continuité d’une coopération énergétique marquée par la construction des centrales d’Imboulou et de Liouesso. Pour l’AFD, « la fiabilité du réseau est un prérequis à toute industrialisation durable ». Les chancelleries observatrices notent également que la démarche s’inscrit dans un mouvement de diversification des partenariats, Pékin et Doha demeurant des acteurs de premier plan sur les barrages et la distribution urbaine. À Brazzaville, l’on souligne que la conclusion rapide des travaux atteste de la capacité du gouvernement à honorer ses engagements contractuels, un signal jugé favorable à la consolidation de la confiance des bailleurs multilatéraux.
Vers un écosystème de maintenance locale
Au-delà des hangars, l’enjeu est celui de la souveraineté technique. E2C prévoit de former une cinquantaine de techniciens électromécaniciens aux procédures de stockage et de dépollution, mettant fin à la dépendance quasi systématique aux importations d’expertise. « Nous voulons qu’à terme 80 % des opérations de remise en état soient exécutées sur le sol congolais », précise la directrice générale, Désirée Mahoungou. Pour le cabinet Global Energy Analytics, l’initiative pourrait générer un effet domino sur la filière locale, de la métallurgie aux transports routiers spécialisés. À moyen terme, l’objectif affiché est de réduire de 15 % les coûts de maintenance, ressource budgétaire non négligeable au moment où l’État intensifie ses programmes sociaux.
Cap sur la stabilité énergétique nationale
En érigeant ces hangars, le Congo-Brazzaville consolide une brique fondamentale de son arsenal énergétique. Le transport d’électricité, traditionnel maillon faible entre production et distribution, se voit doter de moyens logistiques modernes qui devraient limiter les ruptures de service et améliorer la compétitivité industrielle. Associée à la mise en service progressive de nouvelles capacités de production, la stratégie pourrait rapprocher le pays de l’ambition présidentielle d’un accès universel à l’électricité, rappelée lors du Forum sur la Transition énergétique tenu à Oyo. Entre diplomatie, ingénierie et gouvernance, le dispositif de stockage d’E2C incarne ainsi la vocation d’un service public plus fiable et plus souverain, socle indispensable à la consolidation du pacte de croissance nationale.