Un jumelage structurant pour la diplomatie culturelle congolaise
En moins d’une décennie, le partenariat formalisé entre Brazzaville et Dresde s’est imposé comme un laboratoire de diplomatie culturelle où la création joue un rôle de catalyseur. Soutenue par la municipalité congolaise, le ministère de la Culture et plusieurs institutions allemandes, la résidence « Entre le Congo et l’Elbe : un dialogue entre les fleuves » déploie aujourd’hui ses premiers effets. L’initiative s’inscrit dans une stratégie gouvernementale plus large visant à consolider l’image internationale du Congo-Brazzaville par la valorisation de ses talents et par la diversification de ses coopérations multilatérales. En optant pour la culture comme vecteur d’influence douce, les autorités congolaises confirment un choix pragmatique : celui de projeter la modernité du pays au-delà du cadre institutionnel classique.
Ralff, figure montante de la scène visuelle brazzavilloise
Né à Pointe-Noire et formé à Brazzaville, Therance Ralff Lhyliann, alias Ralff, s’est distingué très tôt par une pratique photographique qui explore l’urbanité riveraine du fleuve Congo. Ayant élargi son répertoire aux arts multimédias, il entend, durant son séjour de novembre à décembre à Dresde, conjuguer image fixe, installation sonore et vidéo immersive. « La voix sera parfois plus éloquente que le visage, surtout lorsque l’on cherche à saisir l’intime d’une ville étrangère », confie-t-il, évoquant la sensibilité de certains témoins qu’il compte enregistrer. L’artiste voit dans cette expérience la possibilité d’enrichir un corpus déjà salué dans les expositions collectives soutenues par les Ateliers Sahm, structures qui l’accompagnent depuis ses débuts et qui s’illustrent comme un incubateur reconnu de la jeune création congolaise.
Birgit Schuh ou la cartographie sensible de l’Elbe
Quelques semaines avant l’arrivée de Ralff à Dresde, c’est la plasticienne allemande Birgit Schuh qui installera son atelier éphémère sur les berges du Congo. Habituée des dispositifs in situ et des narrations topographiques, l’artiste saxonne projette de confronter les flux du grand fleuve africain à ceux, plus tempérés, de l’Elbe. Sa méthode repose sur une observation patiente des rituels fluviaux—transport de marchandises, activités de pêche, rites domestiques—afin de dégager des résonances communes. En résidence de septembre à octobre, elle dialoguera avec des communautés riveraines, tissant un réseau de récits visuels et sonores que l’exposition finale présentera en diptyque avec les œuvres de Ralff. Ainsi se construit, pièce après pièce, une mémoire partagée où l’eau devient le fil rouge d’une fraternité intercontinentale.
Création croisée et impacts socio-économiques attendus
Au-delà de la dimension artistique, les partenaires du projet—Goethe-Institut, Zentralwerk Dresden e. V., Ateliers Sahm, municipalités de Brazzaville et de Dresde—misent sur des retombées structurantes pour les écosystèmes culturels locaux. Les échanges de compétences curatoriales, la formation technique mutualisée et la visibilité médiatique devraient générer de nouvelles opportunités pour de jeunes créateurs congolais, tandis que les opérateurs allemands y trouvent un accès privilégié à une scène africaine en plein essor. L’argument économique n’est pas absent : selon les projections du Goethe-Institut, chaque euro investi dans la mobilité artistique en Afrique centrale génère un effet multiplicateur estimé à 1,6 pour les secteurs connexes, de l’hôtellerie aux services de médiation. Cet alignement d’intérêts renforce la confiance entre partenaires et confère à la résidence un rôle pilote susceptible d’être reproduit dans d’autres capitales africaines.
Perspectives stratégiques pour le rayonnement de Brazzaville
Alors que Brazzaville ambitionne de devenir un hub culturel régional, la résidence Ralff-Schuh offre un cas d’école en matière de branding territorial. L’appui résolu des pouvoirs publics congolais, félicités par les artistes pour leur réactivité administrative, démontre que la gouvernance culturelle peut se traduire en actions concrètes et mesurables. Les projections vidéo prévues sur les quais de l’Elbe, suivies d’une exposition rétrospective dans la capitale congolaise, serviront de vitrine à la créativité nationale tout en nourrissant une diplomatie d’influence valorisant la stabilité et l’ouverture du pays. À moyen terme, plusieurs observateurs estiment que ce type d’opération participera à l’essor d’un tourisme culturel encore peu exploité, consolidant la place de Brazzaville dans le réseau des villes créatives d’Afrique centrale.