Un écart mesuré mais contrôlé
Lorsque la Direction générale des douanes a publié, début juillet, un taux de réalisation de 84,2 % pour les six premiers mois de 2025, certains observateurs ont parlé de « dérapage ». Les chiffres bruts – 112 milliards de francs CFA encaissés contre 133 milliards attendus – laissent effectivement apparaître un manque à gagner d’un peu plus de 21 milliards. Pourtant, dans les allées du ministère des Finances, le constat se nuance. « Nous restons sur une trajectoire compatible avec la cible annuelle, à la condition de renforcer la discipline interne », confiait récemment un haut cadre, rappelant que la loi de finances table sur 220 milliards d’ici au 31 décembre.
Pointe-Noire, plaque tournante stratégique
Port en eau profonde, terminaux pétroliers et plateformes logistiques font de Pointe-Noire l’épicentre commercial du pays. La moindre contre-performance de ses services douaniers résonne donc au-delà des frontières nationales, car les flux y sont régionalisés vers la République démocratique du Congo, le Gabon et l’Angola. Selon des sources portuaires, la réorganisation des horaires d’escale liée aux tensions géopolitiques sur les chaînes d’approvisionnement a temporairement ralenti l’activité déclarative. Les douanes ont aussi dû composer avec l’entrée en vigueur des nouvelles grilles tarifaires de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, un ajustement technique qui, pendant quelques semaines, a engendré un phénomène d’attentisme chez certains importateurs.
Kouilou et la fenêtre minière
Le Kouilou, doté d’un potentiel minier croissant – potasse, sel de potasse, phosphates – est soumis à un cycle d’investissement différent. Les exonérations temporaires consenties aux entreprises en phase de prospection ont mécaniquement réduit l’assiette taxable, un paramètre pleinement assumé par le gouvernement dans une logique d’attraction des capitaux. « La rentabilité se juge sur le long terme », explique un analyste du secteur, soulignant que les recettes minières se cristalliseront à mesure que les projets passeront à la production industrielle.
L’ambition de la réforme douanière
Face aux suspicions de fraudes et de minorations de valeur, le ministre des Finances, Christian Yoka, a adopté un ton résolu : « Je n’hésiterai pas à sanctionner ; c’est ma responsabilité ». Derrière la fermeté verbale se déploie une politique de modernisation structurée autour du guichet unique électronique, de la traçabilité biométrique du personnel et d’outils d’évaluation des risques pilotés par l’intelligence artificielle. Les premiers tests ont réduit de 36 % le temps moyen de dédouanement sur certaines catégories de marchandises stratégiques, selon une note interne consultée par nos soins.
La coopération internationale en levier
Les partenaires techniques et financiers saluent la « relative robustesse » des mesures engagées. La Banque africaine de développement souligne, dans son dernier rapport, l’impact attendu du programme d’interconnexion des systèmes douaniers CEMAC-UIC, tandis que le Fonds monétaire international, en mission d’évaluation, insiste sur la nécessité d’élargir la base fiscale sans obérer les perspectives de diversification. Brazzaville a également conclu avec l’Organisation mondiale des douanes un accord de formation continue qui doit renforcer la compétence des vérificateurs sur les valeurs transactionnelles complexes.
Vers une trajectoire budgétaire soutenable
Si l’écart semestriel constitue un signal d’alerte, il n’en préfigure pas pour autant une déviation durable. Le redressement anticipé de la production pétrolière, la remontée graduelle des volumes miniers et la digitalisation intégrale des formalités devraient, selon les projections officielles, compenser la baisse passagère des rentrées douanières. En arrière-plan, le pouvoir exécutif reste fidèle à l’engagement présidentiel de ramener le déficit global sous la barre des 3 % du PIB, jalon indispensable à la soutenabilité de la dette et à l’amélioration de la notation souveraine.
Regards diplomatiques sur la gouvernance fiscale
Pour nombre de chancelleries présentes à Brazzaville, l’enjeu des douanes dépasse la seule question comptable ; il touche à la crédibilité de l’État dans son ensemble. Les partenaires bilatéraux observent que la lutte contre les failles de gouvernance résonne avec les objectifs de stabilité régionale. « Une administration fiscale solide limite les velléités de contrebande transfrontalière et contribue à la sécurité collective », résume un diplomate d’Afrique australe. La réponse congo-brazzavilloise, combinant rigueur budgétaire et ouverture aux réformes, est perçue comme un gage de maturité institutionnelle.
Cap sur la deuxième moitié de l’année
À l’approche du quatrième trimestre, tout l’appareil gouvernemental reste mobilisé. Les premières données du mois de juillet, encore provisoires, montrent un redressement à hauteur de 18 % par rapport à la moyenne mensuelle du semestre précédent. De l’avis des milieux d’affaires, la clarté des consignes et la transparence des procédures restaurent progressivement la confiance entre administration et usagers. Dans une conjoncture internationale volatile, cette dynamique prudente mais déterminée donne le tempo d’une gestion publique où le réalisme macroéconomique se conjugue avec la volonté politique de tenir les engagements annoncés.