Aux confins du Niari, un écosystème en gestation
Au sortir d’un long ruban de latérite bordé par une canopée dense, Dolisie s’affirme comme une porte Sud pour la caravane de l’entrepreneuriat. L’initiative, pilotée depuis mars par la ministre des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Artisanat, entend irriguer les territoires en informations, en formations et en financements. Sur le parvis de l’hôtel de ville, l’affluence ne dément pas l’enthousiasme : étudiants, agripreneurs en herbe et artisans aguerris se pressent pour entendre les premiers ateliers. La mobilisation témoigne d’un phénomène plus ample, celui d’une démographie juvénile à la recherche d’ancrages professionnels dans une économie encore marquée par les hydrocarbures.
En ciblant la capitale de l’or vert, le gouvernement congolais opte pour une stratégie de décentralisation des politiques publiques. Dolisie, troisième ville du pays, bénéficie d’un positionnement ferroviaire et routier qui la relie à Pointe-Noire, aux frontières gabonaises et à l’hinterland de la RDC. Autant d’arguments géo-économiques qui justifient, selon la ministre, un « laboratoire de développement local » capable d’essaimer dans tout le Niari.
L’État stratège face au défi démographique
Derrière les stands colorés, l’enjeu est d’abord macro-économique. Le Congo-Brazzaville, dont près de 60 % de la population a moins de 25 ans (Banque mondiale), doit créer chaque année plusieurs dizaines de milliers d’emplois pour maintenir la cohésion sociale. La caravane, forte de plus de 8900 porteurs d’idées enrôlés lors de son passage sur le corridor Nord, incarne la volonté de l’exécutif de répondre à cette équation emploi-jeunesse. « Il ne s’agit pas d’une simple opération de communication, mais d’un accompagnement durable », assure Aimé Blanchard Linvani, directeur général de l’Agence de développement des très petites, petites et moyennes entreprises.
Le pari est double : rendre l’entrepreneuriat attractif tout en renforçant la formalisation de milliers d’unités économiques informelles. Dans un contexte où les recettes pétrolières demeurent volatiles, la diversification par les PME représente, selon plusieurs analystes de la CEA, l’un des piliers de la résilience budgétaire nationale.
Les partenaires techniques et financiers en soutien discret
Si la bannière nationale domine la scène, les bailleurs multilatéraux ne sont jamais loin. Le PNUD appuie les modules de formation en gestion, tandis que l’Agence française de développement apporte un concours à la digitalisation des guichets uniques. Des représentants de la BAD, présents à Dolisie, ont évoqué la possibilité d’un guichet vert destiné aux projets agro-forestiers. Cette diplomatie économique, souvent silencieuse, confirme que le dossier entrepreneuriat s’inscrit dans la feuille de route des partenaires du Congo, soucieux de voir émerger des chaînes de valeur régionales.
Le maire de Dolisie, Marcel Koussikana, souligne la complémentarité : « Les collectivités territoriales accueillent la caravane, mais nous comptons sur l’appui technique externe pour consolider des incubateurs pérennes ». Dans les travées, l’on rappelle la récente adoption du Code de développement des PME, jugé incitatif par la Chambre de commerce.
Des filières prometteuses, de l’agroforestière au numérique
Le choix de Dolisie répond à une logique sectorielle. Les plaines périphériques offrent une mosaïque de cultures vivrières et de plantations de cacao, tandis que la forêt voisine fournit du bois certifié, recherché sur les marchés européens. Des start-ups locales explorent la valorisation des coques de palmiste en biomasse, illustrant la transition vers une économie à faible intensité carbone. Les ingénieurs formés à l’École nationale supérieure polytechnique de Pointe-Noire, de retour au pays, testent des capteurs connectés pour optimiser l’humidité des pépinières.
Parallèlement, la fibre optique, déployée le long du corridor 1, alimente l’espoir d’un hub de services numériques. Des jeunes développeurs réunis dans le collectif Niari Tech projettent une plateforme de traçabilité du bois, répondant aux exigences de la certification FSC. Ce foisonnement d’initiatives illustre la convergence entre l’agenda gouvernemental de développement durable et les appétits d’une jeunesse tournée vers l’innovation.
Dolisie, incubateur régional vers une compétitivité nationale
Au terme de trois jours d’ateliers, la caravane s’apprête à poursuivre sa route vers Kibangou et Mossendjo. Dans son sillage, elle laisse un réseau de mentors, des plans d’affaires en cours de validation et surtout une perception renouvelée des territoires dits périphériques. Dolisie n’est plus seulement un nœud logistique, elle devient une matrice entrepreneuriale où s’expérimente la diversification économique prônée par le Plan national de développement 2022-2026.
Le succès de l’étape du Niari devra néanmoins se mesurer à moyen terme : immatriculations effectives, accès réel au crédit et survie des entreprises au-delà du cap critique des trois premières années. Sur ces points, la ministre Jacqueline Lydia Mikolo promet une évaluation rigoureuse et périodique. Dans les allées de la gare CFCO, les premiers bénéficiaires en sont déjà convaincus : « L’or vert ne demande qu’à être transformé en valeur ajoutée », confie un jeune technicien forestier. Dolisie, elle, semble bien décidée à tenir ce pari, avec l’État comme catalyseur plutôt que simple spectateur.