Une distinction saluée par tout Dolisie
La salle du conseil municipal a brièvement retenu son souffle avant que le vote unanime ne retentisse. En quelques secondes, Rémy Ayayos Ikounga a été élevé au rang de citoyen d’honneur de Dolisie, troisième ville de la République du Congo.
Les conseillers municipaux ont voulu, par ce geste, graver dans la mémoire collective deux décennies d’actions au service des habitants du Niari, qu’il s’agisse de l’essor du football local ou des multiples initiatives sociales pilotées par l’officier philanthrope.
Le maire Guy César Mbumba l’a résumé d’une phrase sobre : « Reconnaître ses œuvres, c’est reconnaître notre propre destin ». Le colonel major a accueilli la distinction avec humilité, remerciant « les Dolisiens, compagnons de toutes les étapes ».
Parcours d’un officier passionné de sport
Natif de Kindamba, formé à l’Académie militaire de Brazzaville, Rémy Ayayos Ikounga a construit sa carrière au sein des Forces armées congolaises avant de rejoindre le Niari où il a vu, dans le ballon rond, un trait d’union entre civils et militaires.
Il reprend l’Athlétic club Léopards de Dolisie en 2007, alors que l’équipe végète en milieu de tableau. Grâce à une discipline calquée sur les valeurs militaires et à un recrutement ciblé, le club passe rapidement de l’ombre à la lumière.
« Aucun trophée ne vient sans rigueur », répétait-il souvent aux joueurs, selon l’ancien capitaine Césaire Gandzé. Cette approche a posé les fondations d’une dynastie sportive qui portera haut les couleurs vert et blanc pendant plus d’une décennie.
Les Léopards, machine à titres du Congo
Entre 2012 et 2017, les Léopards décrochent quatre couronnes nationales, puis un cinquième sacre en 2024, confirmant une régularité unique dans le championnat. Les saisons 2014 et 2015, interrompues à mi-parcours, auraient pu alourdir encore la moisson.
La Coupe du Congo s’incline elle aussi à cinq reprises, tandis que le point d’orgue reste la conquête de la Coupe de la Confédération en 2012 face à Djoliba AC. « Nous avons placé Dolisie sur la carte africaine », se réjouissait alors le coach Élie Ngoya.
Ces performances offrent au Congo deux places additionnelles dans les compétitions interclubs, une aubaine saluée par la Fédération congolaise de football qui voit là « une vitrine pour nos jeunes talents ». Dolisie devient alors la capitale officieuse du football national.
Une citadelle imprenable qui inspire les Diables rouges
Le stade Paul-Sayal-Moukila, ex-Denis-Sassou-N’Guesso, affiche complet à chaque rencontre. Parmi les souvenirs, la qualification historique des Diables rouges locaux pour le CHAN 2014, obtenue ici même face aux Léopards de la RDC, demeure gravée dans les tribunes.
Rémy Ayayos Ikounga a joué un rôle discret mais déterminant dans la délocalisation de ce barrage retour vers la « citadelle ». Le président de la Ligue du Niari, André Bakala, rappelle que « sa logistique a levé les derniers obstacles matériels en 48 heures ».
Cette influence dépasse le rectangle vert : hôtels, restaurants et commerces enregistrent alors des pics d’activité inédits, selon la chambre de commerce locale. Pour de nombreux Dolisiens, le football devient un moteur économique aussi tangible qu’un chantier routier.
Un engagement social aux multiples visages
En parallèle du sport, l’officier consacre une part notable de ses revenus à des actions ciblées : bourses scolaires, microcrédits pour femmes chefs de foyer, réhabilitation de puits et dons réguliers de matériel au centre hospitalier préfectoral.
La campagne « Santé tout Dolisie », menée avec un collectif de médecins français et congolais, a offert près de six mille consultations gratuites, selon le service départemental de la santé. Plusieurs vies ont été sauvées grâce à des interventions chirurgicales complexes.
« Il ne salue pas seulement les gens, il se renseigne sur leurs problèmes », confie Micheline Nzey, commerçante du marché central. Ces gestes, souvent passés sous silence, ont contribué à cimenter une popularité quasi transversale, au-delà des clivages politiques.
Réactions et perspectives après la distinction
Au lendemain du vote, les réseaux sociaux bruissent de messages de félicitations. La Ligue de football professionnel souligne « un exemple de synergie entre défense nationale et développement local », tandis que plusieurs anciens joueurs évoquent la création d’une académie portant son nom.
L’intéressé, pour sa part, dit vouloir « rester un soldat au service de la République, sur et hors du terrain ». Il a annoncé la rénovation prochaine du terrain annexe de Nganga Lingolo, destiné aux jeunes des quartiers périphériques.
Sur le plan institutionnel, ce statut ouvre des collaborations renforcées entre la mairie et l’officier. Des conventions, précise le secrétaire général, porteront sur la formation sportive, la sécurité événementielle et l’éclairage public.
En attendant ces projets, les supporters entonnent déjà un nouveau chant les soirs de match : « Ikounga, notre flambeau ». L’écho de cette mélodie, qui résonne dans les artères sablonneuses de Dolisie, symbolise une fierté partagée et durable.
