Dividende en berne, rendement qui rassure les marchés
Le conseil d’administration d’ONATEL S.A. a tranché : le 21 juillet 2025, les actionnaires percevront un dividende global net de 12,887 milliards FCFA, soit 189,52 FCFA par titre. La décision marque une contraction de 76,92 FCFA par action par rapport à l’exercice précédent. Dans un environnement régional où la volatilité politique pèse sur la prime de risque, la baisse aurait pu entamer la confiance. Or, avec un cours de clôture fixé à 2 600 FCFA le 25 juin 2025, le rendement reste aligné sur les standards d’un marché émergent – 7,28 % – un niveau que nombre d’investisseurs jugent encore très compétitif (analystes Ouagadougou).
Architecture actionnariale et jeu d’influences sous-régional
ONATEL, héritière de l’Office national des télécommunications, compte l’État burkinabè et le groupe marocain Maroc Telecom parmi ses principaux actionnaires. Cette configuration illustre un subtil équilibre entre capital national et expertise étrangère, équilibre qui a longtemps rassuré les partenaires financiers internationaux. Pourtant, les contraintes budgétaires de l’État et la quête d’autonomie stratégique réactivent le débat sur la souveraineté numérique, tandis que la présence d’un opérateur maghrébin rappelle la perméabilité des infrastructures critiques aux dynamiques géopolitiques nord-sud.
Performances 2024 : des signaux mitigés derrière la façade des chiffres
Au 31 décembre 2024, ONATEL affiche un bénéfice net de 21,471 milliards FCFA, en légère progression de 1,61 %. Le chiffre d’affaires, à 141,841 milliards FCFA, s’apprécie de 2 %, tandis que la valeur ajoutée recule d’1,56 %. Les marges opérationnelles témoignent d’une solide discipline de coûts, mais la lente érosion de la valeur ajoutée reflète la pression concurrentielle et l’essor fulgurant des applications OTT non régulées. En diplomate averti, un dirigeant sahélien concède que « la stabilité du résultat ne préjuge pas des tensions tarifaires qui se profilent avec la 5G ».
Télécommunications et souveraineté numérique : un enjeu sécuritaire majeur
Dans un Burkina Faso confronté à des menaces sécuritaires multiformes, la maîtrise des flux d’information devient stratégique. Le déploiement prochain de la 5G, exigeant une bande passante plus large et des infrastructures critiques, pose la question du contrôle des données. Les partenaires régionaux observent avec attention la capacité d’ONATEL à conjuguer ouverture aux investisseurs privés et impératif de souveraineté. « Toute dépendance technologique prolongée accroît notre vulnérabilité », rappelle un conseiller au ministère de l’Économie numérique. Cette préoccupation résonne dans toute la CEDEAO, où la cybersécurité et la résilience des réseaux figurent désormais au rang des priorités diplomatiques.
Liquidité boursière et perception des investisseurs internationaux
La Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan demeure un baromètre du sentiment d’investisseur en Afrique de l’Ouest. Dans ce contexte, la décision d’ONATEL de maintenir un taux de distribution supérieur à 60 % de son résultat net traduit la volonté de protéger sa prime d’attractivité. Les gérants d’actifs saluent un « signal pragmatique », estimant que la société amortit le choc de la baisse du dividende par un rendement élevé et une gouvernance relativement transparente. Reste la question de la liquidité : avec 68 millions de titres, le flottant limité complique les prises de position significatives des fonds souverains et des family offices du Golfe, friands d’expositions plus profondes.
Perspectives 2025 : arbitrer entre investissement massif et discipline financière
Pour 2025, la direction anticipe une montée en charge des investissements réseaux, notamment la densification de la fibre et la préparation de la 5G. Or l’équation budgétaire est délicate : tout relèvement des capex pourrait rogner des marges déjà sous pression. Des scénarios de financement mixte, associant prêts concessionnels panafricains et obligations vertes, sont à l’étude. Dans le même temps, le gouvernement burkinabè entend négocier des clauses de localisation des données, condition non négociable à ses yeux. Ces impératifs, conjugués à un contexte sécuritaire volatile, imposent à ONATEL un exercice d’équilibriste entre retour à l’actionnaire, solidité bilancielle et impératifs de sécurité nationale.
Leçon diplomatique : la téléphonie comme miroir de la résilience sahélienne
Au-delà des chiffres, l’épisode du dividende 2024 rappelle que, dans le Sahel, les télécommunications ne sont pas un secteur comme les autres. Elles condensent des enjeux de cohésion sociale, de gouvernance et d’influence régionale. La capacité d’ONATEL à satisfaire ses actionnaires tout en consolidant sa mission de service public offre un banc d’essai de la résilience économique du Burkina Faso. Le signal envoyé aux bailleurs multilatéraux est clair : stabilité financière et quête de souveraineté peuvent coexister, pourvu que la gouvernance reste lisible et que l’ambition numérique demeure inclusive.