Une rentabilité affichée malgré la conjoncture
En décidant de verser, le 7 juillet 2025, un dividende net cumulé de 17,76 milliards FCFA au titre de l’exercice 2024, Coris Bank International (CBI) s’inscrit à rebours des signaux de prudence observés dans le secteur bancaire ouest-africain. Rapporté aux 32 millions d’actions composant son capital, le coupon atteint 555 FCFA par titre, soit un rendement supérieur à 9 % sur la base des cours moyens du premier trimestre 2024. Dans un contexte marqué par la persistance de tensions sécuritaires au Sahel et par un renchérissement du coût du refinancement auprès de la BCEAO, cet activisme dividendaire traduit une confiance revendiquée dans la solidité des marges d’intermédiation. « Notre ratio de fonds propres demeure 350 points de base au-dessus des exigences prudentielles », assure un cadre dirigeant joint à Ouagadougou, évoquant des revenus nets bancaires en progression de 11 %.
Les dessous diplomatiques d’un dividende généreux
Au-delà du simple arbitrage entre distribution et réserve, l’opération sert la diplomatie économique du Burkina Faso, dont CBI reste l’un des porte-étendards privés. Pour Ouagadougou, afficher la robustesse d’un champion national constitue un signal rassurant envers les bailleurs multilatéraux, mis en retrait depuis 2022. D’Accra à Abidjan, plusieurs analystes y lisent aussi un message adressé aux partenaires institutionnels de l’UEMOA : la place boursière régionale demeure attractive, en dépit de la volatilité politique du bloc sahélien. « Le dividende est un instrument de soft power financier dans un espace monétaire où la confiance vaut autant que la liquidité », observe un chercheur du Centre d’études diplomatiques de Dakar.
Impact sur la gouvernance bancaire régionale
En rehaussant son taux de distribution aux actionnaires – il était de 45 % en 2023 contre 58 % cette année – CBI accentue la pression concurrentielle sur les filiales de groupes marocains et nigérians déjà implantés à Abidjan ou Cotonou. La dynamique pourrait encourager ces établissements à suivre la même voie, quitte à entamer leurs coussins de liquidité. Pour la BCEAO, gardienne du cadre prudentiel, l’équation s’avère délicate : soutenir la profitabilité des banques nationales, tout en ne relâchant pas l’exigence de consolidation des fonds propres imposée par Bâle II/III. Un haut responsable de l’institution centrale, sollicité à Lomé, admet « observer avec attention la trajectoire de distribution », rappelant que la priorité demeure « la résilience du système face au risque souverain croissant ».
Réactions des marchés et perspectives 2025
L’annonce, communiquée à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), a hissé le titre CBI parmi les plus échangés de la séance, son volume étant quadruplé par rapport à la moyenne mensuelle. Les investisseurs institutionnels ivoiriens et sénégalais, historiquement surpondérés sur les télécoms, semblent redécouvrir l’attrait du secteur bancaire pour sécuriser des rendements réels positifs. Les créanciers internationaux, eux, scrutent le ratio dividende-bénéfices pour évaluer la capacité de la banque à absorber un choc de crédit. Si la direction vise déjà un produit net bancaire en croissance de 10 % en 2025, le ralentissement attendu des exportations d’or burkinabè pourrait, selon Fitch Ratings, réduire l’appétit pour les prêts corporate, donc les revenus.
Quelle place pour la finance verte et inclusive ?
Reste la question de la soutenabilité à long terme d’une politique de rémunération aussi ambitieuse, alors même que la finance verte et l’inclusion bancaire figurent parmi les priorités affichées de l’UEMOA. Les organisations de la société civile rappellent que seulement 22 % des adultes burkinabè disposent d’un compte bancaire formel. Interrogé sur la conciliation entre distribution massive et financement du développement, un administrateur indépendant de CBI répond : « Le dividende n’est pas antinomique avec l’impact ; il crée la confiance nécessaire aux levées de fonds ESG que nous préparons. » Les partenaires techniques européens attendent toutefois des engagements chiffrés, à commencer par la part des prêts orientés vers les PME agricoles et l’énergie solaire. Diplômate dans son propos, la Banque promet un mécanisme de partage de valeur plus explicite avant la prochaine assemblée générale.