Un choc pour le mouvement sportif congolais
Le sport congolais traverse une séquence de deuils qui semble ne jamais finir. Vendredi 10 octobre 2025, le secrétaire général du Comité national olympique et sportif congolais, Jean-Paul Ngaloua, s’est éteint au Centre hospitalier universitaire de Brazzaville.
La nouvelle a rapidement parcouru clubs, fédérations et réseaux sociaux, déclenchant une onde d’émotion comparable à celle ressentie après la disparition du sélectionneur Jules Bocandé plus tôt cette année dramatique pour le sport national.
Une trajectoire forgée dans les stades
Inspecteur d’éducation physique de formation, Jean-Paul Ngaloua a fait ses premières armes sur la pelouse du mythique Stade de la Révolution, dont il a assuré la direction jusqu’en 1977, veillant déjà à concilier rigueur administrative et proximité avec les athlètes.
Le 23 décembre 1977, il rejoint le Secrétariat général aux Sports en qualité de directeur des Études, équipements et installations, étape fondatrice d’un parcours qui le propulsera, trois décennies plus tard, à la tête du secrétariat général du CNOSC.
Son élection en 2009 pour succéder à Joseph Mokanda Moramwa n’a surpris personne : déjà, sa réputation d’homme de consensus précédait chacune de ses interventions dans les assemblées, où il insistait sur la solidarité entre les fédérations plutôt que sur la compétition des egos.
Le bâtisseur de la justice sportive
Parmi ses chantiers emblématiques, la création de la Chambre de conciliation et d’arbitrage en décembre 2012 occupe une place centrale ; cette structure, inspirée du Tribunal arbitral du sport, a depuis réglé plusieurs litiges sans encombrer les tribunaux civils.
« Il voulait que chaque athlète, qu’il vienne du handball ou de l’athlétisme, puisse défendre ses droits dans la dignité », témoigne Marcelle Okemba, présidente de la Fédération de judo, qui siégeait avec lui au conseil d’administration du CNOSC.
Passeur de mémoire et pédagogue
Au-delà des titres, ses collaborateurs retiennent surtout la patience avec laquelle il répondait aux étudiants venus préparer un mémoire ou un reportage, sortant des archives jaunies pour illustrer la première médaille congolaise aux Jeux d’Afrique de 1965.
Son bureau, récompensé d’affiches olympiques, s’ouvrait pour des sessions improvisées où il rappelait les valeurs de l’excellence et du respect, deux principes qu’il estimait indissociables du projet national de développement par le sport.
Vives réactions des institutions
Dans un communiqué publié samedi matin, le président du CNOSC, Raymond Ibata, salue « un serviteur infatigable, dont la droiture aura inspiré plusieurs générations de dirigeants » et annonce la mise en berne du drapeau olympique jusqu’à la fin du mois.
Le ministère des Sports, par la voix du directeur de cabinet, souligne que Jean-Paul Ngaloua « a posé des jalons essentiels à la professionnalisation des fédérations, notamment sur les questionnaires de gouvernance que réclament désormais les bailleurs internationaux ».
La Confédération africaine de volley-ball, discipline qu’il suivait assidûment, a adressé depuis Addis-Abeba une lettre de condoléances, saluant un « vrai défenseur de l’esprit ludique du continent ».
L’héritage institutionnel
Sous son impulsion, douze fédérations ont adhéré au mouvement olympique en moins d’une décennie, portant la délégation congolaise aux Jeux d’Accra 2023 à un effectif record de soixante-quatre athlètes, preuve tangible de son travail de maillage territorial.
Il avait également lancé la plateforme numérique de gestion des licences, dont l’interconnexion avec les bases de données du ministère des Sports facilite aujourd’hui le suivi médical et scolaire des jeunes talents repérés dans les départements.
Pour le sociologue du sport Placide Mbemba, ces instruments « ont ouvert la voie à une forme de gouvernance data-driven qui, à terme, pourrait attirer de nouveaux sponsors vers les championnats nationaux ».
Des funérailles à la hauteur de l’homme
Un comité d’organisation présidé par l’ancien basketteur Roger Mombo prépare une veillée au Palais des Sports de Kintélé, suivie d’une messe à la cathédrale Sacré-Cœur, avant l’inhumation dans le cimetière familial de Nganga-Lingolo.
Les autorités municipales annoncent la mise en place d’un plan de circulation spécial pour permettre aux sympathisants de saluer la dépouille sans perturber la fluidité déjà fragile du trafic brazzavillois.
À la demande de la famille, les dons seront convertis en bourses destinées aux écoles d’éducation physique, dernier clin d’œil d’un homme convaincu que l’avenir du sport passe d’abord par la formation des encadrants.
Pérenniser la flamme olympique
Le CNOSC promet de baptiser sa future salle de réunion du nom de Jean-Paul Ngaloua et envisage la création d’un prix annuel récompensant la meilleure initiative en faveur de l’éthique sportive dans le pays.
Tant que ces projets verront le jour, le souvenir de celui que beaucoup surnommaient « l’oncle Jean-Paul » continuera d’accompagner chaque lever de drapeau, rappel constant qu’une vision partagée peut transformer un paysage sportif.
Le ministre des Sports, Hugues Ngouélondélé, a d’ores et déjà confirmé que le budget 2026 intégrera une ligne destinée à ce prix, preuve, selon ses propos, « que la disparition d’un homme ne signifie pas la fin de son œuvre ».
Au-delà des chiffres, c’est la chaleur de son salut et la fermeté de sa poignée de main que retiendront ceux qui ont croisé Jean-Paul Ngaloua, incarnation d’un olympisme qui ne se conjugue pas seulement sur les podiums mais aussi dans le vivre-ensemble.
