Un cap stratégique fondé sur les droits humains
L’édition 2023 de la Journée africaine de lutte contre la corruption a offert à la Haute Autorité de lutte contre la corruption (HALC) une tribune singulière pour dévoiler l’orientation renouvelée de sa stratégie. Son président, Emmanuel Ollita Ondongo, a souligné que « toute action de prévention ou de répression doit désormais s’évaluer à l’aune de la protection de la dignité humaine ». À ses yeux, aligner la gouvernance publique sur les grandes conventions internationales relatives aux droits de l’Homme n’est plus un supplément d’âme, mais une exigence normative qui crédibilise la démarche congolaise auprès des partenaires.
Cet inflexion s’inscrit dans la lignée des engagements ratifiés par le Congo, notamment la Convention des Nations unies contre la corruption, dont l’article 5 préconise la prise en compte des droits fondamentaux dans l’élaboration des politiques nationales. En articulant les impératifs éthiques aux instruments juridiques, la HALC entend consolider la confiance citoyenne, condition sine qua non d’une coopération élargie avec la société civile.
Corrélation entre corruption et vulnérabilités sociales
Les analyses institutionnelles convergent : la corruption appauvrit les services publics essentiels, raréfie l’accès aux soins et à l’éducation, et accentue les inégalités territoriales. Dans un contexte où la Banque mondiale classe encore le Congo parmi les États à revenu intermédiaire inférieur, remettre la dignité au centre du jeu vise à protéger les populations les plus exposées aux effets d’éviction provoqués par les circuits illicites de captation de ressources.
« L’injustice qui découle des pratiques corruptives fragilise la cohésion nationale et sape les aspirations démocratiques », insiste un diplomate africain en poste à Brazzaville. En associant explicitement la HALC aux mécanismes nationaux des droits humains, les autorités congolaises entendent rompre le cercle vicieux entre pratiques déviantes et marginalisation.
Des indicateurs internationaux en nette amélioration
L’indice de perception de la corruption publié par Transparency International constitue un baromètre attentivement scruté par les chancelleries. Entre 2020 et 2023, le Congo a gagné quatorze rangs, passant de la 165ᵉ à la 151ᵉ position. Si des marges de progression subsistent, ce bond est salué par plusieurs observateurs comme le signe d’une « masse critique de réformes » engagées durant le dernier triennal.
Le dispositif législatif s’est densifié : modernisation du code pénal pour intégrer les infractions financières complexes, généralisation des audits internes dans les entreprises publiques et obligation de déclaration de patrimoine pour certains hauts responsables. Autant de mesures qui élargissent le spectre d’intervention de la HALC et réduisent les angles morts de la prévention.
Prévention et pédagogie : priorités opérationnelles
Au-delà des textes, la HALC privilégie désormais la pédagogie de proximité. Des ateliers itinérants sensibilisent les administrations déconcentrées, tandis que les universités accueillent des modules sur l’éthique publique. Selon Emmanuel Ollita Ondongo, « la lutte ne se gagnera qu’en faisant de chaque citoyen un vigile de l’intégrité ». Le numéro vert 1023, accessible gratuitement, constitue l’un des leviers participatifs les plus visibles : les signalements anonymes y connaissent, d’après les chiffres communiqués, une hausse de 27 % sur douze mois.
Parallèlement, la coopération judiciaire avec les pays voisins s’intensifie afin d’entraver les circuits transfrontaliers de blanchiment. Une cellule conjointe, hébergée à Brazzaville, planche sur le partage d’informations financières, gage d’une meilleure traçabilité des flux.
Place du leadership politique national
Le volontarisme affiché par le gouvernement congolais, régulièrement souligné par les bailleurs internationaux, repose sur un triple socle : clarté de la doctrine, stabilité institutionnelle et allocation ciblée des ressources. « Les progrès observés résultent d’une impulsion venue du sommet de l’État, déterminé à faire de la bonne gouvernance un vecteur de crédibilité extérieure », confie un expert de l’Union africaine ayant suivi l’évolution du dossier.
Cette approche ascendante facilite la synchronisation entre les réformes administratives et les attentes populaires, tout en offrant aux partenaires techniques – Banque africaine de développement, PNUD – des garanties sur la soutenabilité des programmes de modernisation.
Perspectives régionales et diplomatiques
En intégrant la dimension de la dignité humaine, le Congo positionne sa politique anticorruption dans une tendance continentale qui privilégie la convergence entre gouvernance et droits fondamentaux. À l’heure où l’Union africaine encourage la mutualisation des bonnes pratiques, Brazzaville pourrait jouer un rôle de catalyseur en Afrique centrale, notamment à travers la tenue annoncée d’un forum sous-régional consacré aux synergies entre autorités de contrôle.
De l’avis de plusieurs chancelleries, ces initiatives créent un climat favorable à l’attraction de capitaux extérieurs, dans la mesure où la solidité des institutions anticorruption figure parmi les premiers critères étudiés par les investisseurs. Si la consolidation des acquis demeure un défi, la trajectoire suivie illustre l’ambition d’ériger la dignité humaine en boussole de la gouvernance publique congolaise.